Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1857, octavo, tome 13.djvu/125

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je m’aperçus que M. du Maine s’affermissoit, qu’il se murmuroit confusément de partage, et que M. le duc d’Orléans ne faisoit pas le meilleur personnage, puisqu’il descendoit à plaider pour ainsi dire sa cause contre le duc du Maine.

Il avoit la vue basse. Il étoit tout entier à attaquer et à répondre, en sorte qu’il ne vit point le signe que je lui faisois. Quelques moments après je redoublai, et n’en ayant pas plus de succès, je me levai et m’avançai quelques pas, et lui dis, quoique d’assez loin : « Monsieur, si vous passiez dans la quatrième des enquêtes, avec M. du Maine, vous y parleriez plus commodément, » et m’avançant au même instant davantage, je l’en pressai par un signe de la main et des yeux qu’il put distinguer. Il m’en rendit un de la tête, et à peine fus-je rassis que je le vis s’avancer par-devant M. le duc à M. du Maine ; et aussitôt après, tous deux se levèrent et s’en allèrent dans la quatrième des enquêtes. Je ne pus voir qui, de ce qui étoit épars hors de la séance, les y suivit, car toute la séance se leva à leur sortie, et se rassit en même temps sans bouger, et tout en grand silence. Quelque temps après M. le comte de Toulouse sortit de place, et alla dans cette chambre. M. le Duc l’y suivit un peu après. Au bout de quelque temps le duc de La Force en fit autant.

Il y fut assez peu. Revenant en séance, il dépassa le duc de La Rochefoucauld et moi, mit sa tête entre celle du duc de Sully et la mienne, parce qu’il ne voulut pas être entendu par La Rochefoucauld, et me dit : « Au nom de Dieu, allez-vous-en là dedans, cela va fort mal. M. le duc d’Orléans mollit, rompez la dispute, faites rentrer M. le duc d’Orléans ; et dès qu’il sera en place, qu’il dise qu’il est trop tard pour achever, qu’il faut laisser la compagnie aller dîner, et revenir achever au sortir de table ; et pendant cet intervalle, ajouta La Force, mander les gens du roi au Palais-Royal, et faire parler aux pairs dont on pourroit douter, et aux chefs de meute parmi les magistrats. »

L’avis me parut bon et important. Je sortis de séance et