Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1857, octavo, tome 13.djvu/164

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liaison, mais de connoissance la plus légère, et si la vérité veut qu’on ne cache rien, ils n’avoient chez eux que la meilleure compagnie et la plus trayée, et mon amour-propre n’étoit pas content de n’avoir jamais reçu la moindre avance de leur part. C’étoit de plus un homme de l’ancien ministère, et dans mon dessein d’anéantir les secrétaires d’État et leur puissance, Torcy, qui l’étoit après son père et son beau-père, ne pouvoit être à mon gré. J’avois souvent pressé M. le duc d’Orléans de l’exclure ; quoiqu’il ne m’eût jamais répondu là-dessus aussi net que je le désirois, j’espérois pourtant son exclusion, et j’y travaillois encore, lorsque le régent me laissa entrevoir que je n’y devois pas compter. Je redoublai mes efforts ; à la fin il m’avoua avec grand embarras qu’il se le croyoit nécessaire par avoir le secret de toutes les affaires étrangères depuis tant d’années qu’il en étoit le ministre, et par le secret des postes dont lui ne pouvoit se passer. Ce fut en effet ce qui conserva Torcy.

Pour se l’acquérir entièrement, M. le duc d’Orléans le combla de caresses, de confiance et de choses. Il avoit six cent cinquante mille livres de brevet de retenue sur sa charge de secrétaire d’État ; il en eut cent cinquante mille de plus et tout payé en en donnant sa démission. Sa pension de vingt mille livres de ministre d’État lui tut conservée, et il en eut encore une autre de soixante mille livres sur les postes, dont il conserva la direction, l’autorité et la confiance.

On ne peut exprimer l’étonnement public de ce traitement. Torcy y passoit, pour le moins, et avec raison, pour n’avoir jamais eu de liaison avec M. le duc d’Orléans, même pour lui avoir été contraire. On ne lui avoit découvert aucun mouvement vers ce prince ; les Castries étoient trop faibles et trop suspects par rapport à Mme la duchesse d’Orléans, pour y avoir été utilement employés. Nancré le fut peut-être ; mais je l’ai toujours ignoré, et tout ce que j’ai tâché