Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1857, octavo, tome 13.djvu/175

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que je viens de rapporter, celui du comte du Luc, et je suppliai le régent de se souvenir comment le feu roi et l’universalité du monde avoient pris cette prétention des conseillers d’État. De là je vins au fond de la chose, et je dis qu’en France il n’y avoit que trois états ; que tous les trois avoient toujours été précédés par les pairs, les ducs et les officiers de la couronne sans nulle difficulté partout, et qui aux états généraux étoient avec le roi sur le théâtre ; et en bas les trois états ; qu’entre personnes de même état il se pouvoit qu’il y eût des prétentions de préséance, mais que d’état à état il n’y en eut jamais en aucun temps ; que l’église et la noblesse, la première à droite, l’autre à gauche, étoient assis et couverts, et parloient en cette sorte en égalité parfaite de l’une à l’autre ; qu’au fond de la salle, vis-à-vis du théâtre, étoit le tiers état, assis, mais découvert, et qui pour parler se mettoit à genoux ; posture qui en est restée à tout le parlement, et au premier président comme aux autres membres, parlant aux lits de justice, parce que tout magistrat, quel qu’il soit de naissance, est du tiers état par sa magistrature ; que les conseillers d’État étoient de robe et magistrats, par conséquent aussi du tiers état, d’où il résultoit qu’entre conseillers d’un même conseil, le tiers état devoit céder aux deux premiers ; d’où il étoit clair que la prétention des conseillers d’État de robe étoit sans aucun fondement contre le marquis d’Effiat. Ce raisonnement, auquel Noailles et Canillac ne s’étoient pas apparemment attendus, leur ferma la bouche, et à M. le duc d’Orléans aussi.

J’ajoutai, après un moment de silence, que je parlois contre mon intérêt, puisque la prétention que je venois de combattre alloit à mettre un étage de gens dans la personne des conseillers d’État de robe, entre les ducs et officiers de la couronne et les gens de qualité, mais que la vérité devoit toujours être la plus forte, et que je ne comprenois pas la patience de Son Altesse Royale de souffrir des disputes aussi