Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1857, octavo, tome 13.djvu/200

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de Lévi. Ils se plurent peut-être un peu trop ; on les fit marier ; on ne leur donna rien ; on ne les voulut point voir. Ils s’en allèrent vivre à Agde, où ils ont passé nombre d’années au pain et au pot de l’évêque, leur oncle. Ils revinrent enfin à Paris chez Mme Fouquet, leur mère, dans ces mêmes dehors du Val-de-Grâce, qui les nourrit tant qu’elle vécut ; après quoi ils eurent quelque peu de bien. Longtemps après ils recueillirent Belle-Ile, et tout ce qui avoit été sauvé des débris du surintendant, par la mort de M. de Vaux, l’aîné des trois, et du P. Fouquet, le second. Ils eurent deux fils, et une fille qui, après l’avoir été longtemps, épousa enfin le fils aîné de M. de La Vieuville et de la sœur du comte de La Mothe-Houdancourt, sa première femme. Ce La Vieuville étoit un néant obscur, qui bientôt après la laissa veuve avec deux fils.

Les deux fils, frères de cette dame de La Vieuville, portèrent le nom de comte et de chevalier de Belle-Ile. Jamais le concours ensemble de tant d’ambition, d’esprit, d’art, de souplesse, de moyens de s’instruire, d’application de travail, d’industrie, d’expédients, d’insinuation, de suite, de projets, d’indomptable courage d’esprit et de cœur, ne s’est si complètement rencontré que dans ces deux frères, avec une union de sentiments et de volontés, c’est trop peu dire, une identité entre eux inébranlable : voilà ce qu’ils eurent de commun. L’aîné, de la douceur, de la figure, toutes sortes de langages, de la grâce à tout, un entregent, une facilité, une liberté à se retourner, un air naturel à tout, de la gaieté, de la légèreté, aimable avec les dames et en bagatelles, prenant l’unisson avec hommes et femmes, et le découvrant d’abord. Le cadet plus froid, plus sec, plus sérieux, beaucoup moins agréable, se permettant plus, se contraignant moins, et paraissant moins aussi, peut-être plus d’esprit et de vue, mais moins juste, peut-être encore plus capable d’affaires et de détails domestiques, qu’il prit plus particulièrement, tandis que l’aîné se jeta