Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1857, octavo, tome 13.djvu/240

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ce qui le regardoit si personnellement, et qui a été expliqué alors, que sur ce qu’il me devoit de justice sur l’inouïe scélératesse du duc de Noailles à mon égard. Aussi voulus-je faire retraite, et je me tins chez moi sans en sortir. M. le duc d’Orléans en fut en peine, et sans vouloir mieux faire, ne voulut pas me laisser dépiter. Il m’envoya coup sur coup l’abbé Dubois me conjurer de retourner chez lui, de ne l’abandonner point dans cette première crise, de pardonner aux conjonctures, de compter entièrement sur son amitié, sa confiance, sa reconnoissance, en un mot les plus beaux discours du monde. J’eus grande peine à me laisser, non pas persuader, mais aller à la bienséance ; lui-même me dit encore plus de merveilles, et quoique malgré moi, je me laissai rengarier. C’étoit avant la formation arrêtée des conseils. Je ne fus pas longtemps à m’apercevoir de pis que de mollesse.

Les conseils formés, et toutes les affaires en train, il fut question de la nôtre avec le parlement. À tout ce qui s’étoit passé là-dessus, sous le feu roi dans les derniers temps de sa vie, du su et sous les yeux de M. le duc d’Orléans, et aussitôt après la mort de ce monarque, où la parole du régent se trouvoit engagée à nous d’une manière si formelle et si redoublée, de plus encore si solennelle, en pleine séance du parlement, il y avoit lieu de compter que nous aurions enfin justice des scélératesses du duc du Maine et de celles du premier président, gens d’ailleurs si contraires à M. le duc d’Orléans. Je dois, quoi qu’il ait fait, trop de respect à sa mémoire pour vouloir le montrer par un aussi vilain côté que fut celui que nous en éprouvâmes ; je dois aussi trop de considération à mes confrères pour entrer dans un détail dont la vérité seroit si fâcheuse pour la plupart ; je dois encore assez d’égards au grand nom de l’ordre dont je suis moi-même, pour éclairer toute la duperie, l’envie, la jalousie, le bas et aveugle intérêt de la conduite de ceux qui nous, attaquèrent sous un nom si auguste, et si peu celui de la plupart de ceux qui osèrent s’en couvrir, et qui se dévouèrent