Il ne s’agissoit point alors des bâtards, ni d’y prendre parti, et nulle apparence que la noblesse pût entrer à découvert dans celui du parlement contre nous. Mais celui du duc du Maine vouloit rassembler les borgnes et les boiteux avec les forts et les sains, pour avoir force monde ameuté tout prêt à ses ordres. Il falloit leur montrer un objet, leur fasciner les yeux, profiter de leur ignorance, du peu de sens de la multitude, la flatter, lui donner lieu et la satisfaction de faire du bruit. Il falloit de plus un objet durable qui les tînt longtemps attroupés, échauffés, qui aveuglât leur raison et leur intérêt véritable, leur montrer une lune pour les faire aboyer, et les enivrer tellement de la délicieuse nouveauté de se croire considérables et importants qu’ils ne s’aperçussent point du piège qui leur étoit tendu, et de la dérision secrète que faisoient d’eux ceux dont ils devenoient les aveugles instruments, ni de la compassion que le gros sensé de la véritable noblesse concevoit de leur frénésie.
Elle fut telle que tout ce qui se présenta fut reçu, et que ces gens si entêtés de leur noblesse consentirent à une parfaite égalité avec tous, jusque-là que le marquis de Châtillon fit passer en faveur de son gendre qu’ils signeroient tous en rond, pour bannir toute différence. Ce gendre étoit colonel d’un régiment, et a été cassé depuis pour sa conduite. Il étoit fils de Bonnetot, premier président de la chambre des comptes de Rouen, et ce premier président étoit fils d’un laboureur de Normandie, qui étoit devenu fermier, et par l’industrie de l’un et l’avarice de l’autre un des plus riches bourgeois de Rouen. Je donne cet exemple entre mille de ces reçus par ces messieurs soi-disant la haute noblesse.
L’objet pour les faire crier et les tenir ensemble fut bientôt trouvé. Ce fut la calomnie du duc de Noailles, de la salutation du roi, et de là des plaintes et des prétentions contre les ducs également folles et absurdes, et qui n’avoient pas