Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1857, octavo, tome 13.djvu/250

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régent ; ce fut de laisser à côté la défense des usurpations attaquées par les ducs, de montrer les dents à M. le duc d’Orléans, et de refuser de lui répondre et de lui obéir là-dessus. Conduit par d’Effiat et par Canillac, conseillé par le duc de Noailles, appuyé du duc du Maine et de ce groupe si nombreux qu’il avoit su ameuter et s’unir sous le respectable nom de noblesse, le parlement ne craignit point de se moquer d’un prince dont il voyoit sans cesse les ménagements pour lui, et en même temps la crainte qui les produisoit. Ces magistrats si bien guidés comprirent aisément qu’ils pouvoient tout faire sans risquer rien, et que le régent, qui les ménageroit toujours pour leur faire passer sans opposition les édits et les déclarations qu’il voudroit faire sur les matières des finances et du gouvernement, ne se compromettroit jamais avec eux pour chose qui au fond n’importoit en rien à sa personne, et dont il se soucioit en effet fort peu. C’est la conduite constante que le parlement tint dans toute la suite de cette affaire, et qui lui réussit pleinement.

J’avois beau représenter à Son Altesse Royale la dérision publique que le parlement faisoit de son autorité, l’étrange exemple qu’il laissoit apercevoir, ou de sa faiblesse, ou de l’opinion qu’il n’avoit pas le pouvoir de faire répondre des magistrats sur des entreprises visibles qui n’intéressoient qu’eux ; qu’enfin il leur apprendroit, par une conduite si peu digne du dépositaire de la plénitude de l’autorité royale, qu’ils pouvoient lui résister en des choses qui l’embarrasseroient fort dans l’exercice du gouvernement, et à lui résister encore toutes fois et quantes il leur plairoit de le faire. Ce que je lui disois étoit évident, et il ne tarda pas longtemps à en faire une honteuse expérience, comme je le raconterai en son temps. Mais je parlois en vain, je le désespérois par la transcendance des raisons que je lui apportois, auxquelles il ne pouvoit répondre. Mais les mêmes causes qui m’avoient fait échouer avec lui sur cette assemblée de noblesse me procurèrent le même sort sur le parlement. Sa défiance lui