Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1857, octavo, tome 13.djvu/251

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

persuada que je ne lui parlois qu’en duc qui n’a que cet intérêt en vue ; son goût pour la division, qu’il la falloit entretenir entre les ducs et le parlement, et entre les ducs mêmes ; sa faiblesse, appuyée des pernicieux conseils de Noailles, Besons, Effiat, Canillac et de bien d’autres, qu’il falloit ménager le parlement en chose qui en intéressoit si vivement les principaux magistrats, et qui ne lui importoit en rien à lui-même, pour les trouver favorables et faciles à passer tout ce qu’il leur voudroit envoyer à enregistrer. C’est-à-dire que ces bons et fidèles conseillers comptoient pour rien la justice, la parole solennelle et publique donnée aux ducs par le régent, et par lui renouvelée en pleine séance au parlement, à l’ouverture de celle de la régence, la dérision que le parlement et toute la France faisoit de voir un régent refusé par le parlement de lui répondre, et sur chose de cette qualité qui n’intéressoit que l’orgueil de quelques magistrats ; l’exemple et le courage que cette misère donnoit à tout le monde, en particulier au parlement pour en abuser dans les choses du gouvernement ; enfin de compter pour rien de manquer solennellement et publiquement de foi, de parole, par conséquent d’honneur, à tout ce qu’il y avoit de grands en France.

Tout cela dura plusieurs années, et il faut que j’aie bien envie de sortir d’une si dégoûtante matière pour en prévenir de si loin la fin, qui arriva d’une part à force d’art, d’intrigues, de souplesses et d’audace ; de l’autre, de dépit, de dégoût et de guerre lasse.

Pendant cet intervalle, les protecteurs du parlement virent bien toute la force que les ducs tireroient de leur union, qui faisoit toute la peine et l’embarras du régent sur cette affaire. Leur application se tourna donc à les diviser ; le duc de Noailles s’appliqua à regagner les moins difficiles, et à effacer de leur esprit l’idée de ses trahisons, tandis qu’il y étoit plus abandonné que jamais. J’avois eu, dès avant la mort du roi, toutes les attentions imaginables à marquer à chaque