Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1857, octavo, tome 13.djvu/305

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

L’Angleterre, fort troublée au dedans et fort inquiète de l’Écosse, ne se contentoit pas que le régent eût refusé toutes sortes de secours au Prétendant ; elle en auroit voulu tirer contre lui de grands. Stanhope reprocha à d’Iberville, chargé des affaires du roi à Londres, que le régent se contentoit de sauver les apparences, tandis qu’il assistoit le Prétendant en effet. Il allégua qu’on avoit laissé passer et embarquer le duc d’Ormond en Bretagne, tandis qu’on avoit arrêté fort longtemps des Anglois envoyés pour le suivre et reconnoître sa marche. C’est ainsi qu’il déguisa l’affaire de Nonancourt. Il fit parade à d’Iberville des forces et des alliances d’Angleterre, laissa échapper quelques menaces, se plaignit du refus que M. le duc d’Orléans avoit fait d’une nouvelle alliance que Stairs lui avoit proposée, dont j’ai parlé plus haut, et qui n’étoit que suspendue pour y faire entrer les Hollandois ; il finit par déclarer qu’il ne parloit que comme particulier, se réservant de faire des plaintes au nom du roi son maître, quand il seroit temps de les soutenir, et qu’il en seroit chargé. Volkra, envoyé de l’empereur à Londres attisoit ce feu naissant, et on sut que Stairs ne travailloit pas à l’éteindre par ses dépêches. Stanhope ne tint pas un langage plus couvert ni plus modéré à Monteléon, ambassadeur d’Espagne, et même il poussa les menaces plus loin.

Le pape, ayant appris que le clergé d’Espagne étoit disposé à faire sur soi des impositions pour secourir le Prétendant, écrivit au roi d’Espagne et au cardinal del Giudice, pour appuyer ces bonnes dispositions, et fit toucher à ce malheureux prince cinquante mille écus de son propre argent.

Stanhope parla enfin si haut, et les affaires d’Écosse prirent un si mauvais tour, l’incertitude du débarquement du Prétendant fut si grande jusqu’à la fin de cette année, qu’Albéroni prit enfin le parti de terminer tous les différends de l’Espagne avec les Anglois, et de les satisfaire. Elle se désista donc des articles ajoutés au traité d’Utrecht, dont ils