Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1857, octavo, tome 13.djvu/324

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée
pas. — Il marie sa fille au duc de La Meilleraye, et le marquis de Villeroy épouse la fille aînée du duc de Luxembourg. — Courtenvaux marie son fils à la dernière fille de la maréchale de Noailles, et lui donne sa charge des Cent-Suisses.


Avant de commencer [à] rapporter les événements de cette année 1716, il faut, pour un moment, remonter dans la précédente, sur la préparation de ce qui en fut les premiers. M. du Maine et moi étions toujours sur le même pied ensemble, depuis l’étrange visite que je lui avois rendue, lorsqu’il nous fit casser sur le corps la corde du bonnet qu’il nous avoit si malicieusement tendue. Nous nous voyions sans cesse au conseil de régence ; il y cherchoit à s’attirer quelque civilité de moi par toutes celles dont il me prévenoit, sans toutefois oser me parler ; il me trouvoit également sec et roide, lent et bref à lui rendre les révérences longues et marquées dont il m’accabloit. Le roi n’étoit plus ; Mme de Maintenon n’étoit plus à craindre. De leur temps je ne l’avois pas ménagé, ni ne m’étois montré plus poli à son égard depuis ce sourd éclat. Il comprenoit que je m’en contraindrois bien moins encore ; il me voyoit dans la plus grande liberté avec le régent, et dans une confiance qui me rendoit un personnage ; sa timidité s’en alarmoit ; il ne savoit comment me rapprocher.

Dans cette situation réciproque, je fus très surpris, sur la fin du séjour de Vincennes, qu’un matin que j’y avois couché, je vis entrer le duc du Maine dans ma chambre. Il couvrit son embarras d’un air aisé, et, avec mille prévenances, m’entretint comme si nous n’eussions jamais rien eu ensemble, et sans me parler de quoi que ce soit du passé. C’étoit l’homme du monde qui menoit mieux la parole et toutes sortes de conversations. Il usa de ce talent avec toutes ses grâces, et n’oublia rien pour me plaire, sans toucher le moins du monde à rien d’intéressant. Il fallut bien, chez moi, tâcher de payer de même monnaie. Quoique la partie