Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1857, octavo, tome 13.djvu/377

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uniquement dans ces Mémoires, comme on le voit sur M. le duc d’Orléans lui-même par le portrait que j’en ai donné, jamais ce prince n’a désiré la couronne ; il a très sincèrement souhaité la vie du roi ; il a plus fait, il a désiré qu’il régnât par lui-même, comme on le verra dans la suite. Jamais de lui-même il n’a pensé que le roi pût manquer, ni aux choses qui pouvoient suivre ce malheur, qu’il regardoit sincèrement comme tel, et pour lui-même, si jamais il arrivoit. Il ne faisoit que se prêter aux réflexions qui là-dessus lui étoient présentées, incapable entièrement d’y penser de lui-même, ni aux mesures à prendre sur la considération que cela étoit possible. Je ne dirai pas que, le cas arrivant, il eût abandonné le droit que lui donnoit la renonciation réciproque, garantie de toute l’Europe ; mais j’ajoute en même temps que la possession de la couronne y eût eu la moindre part, et que l’honneur, le courage, sa propre sûreté l’auroit eue tout entière : encore une fois, ce sont des vérités que ma très parfaite connoissance, ma conscience et mon honneur m’obligent à rapporter.

Pour achever de suite la matière de cet engagement qui éclaircira tout ce que j’aurai à rapporter de ses suites, ces messieurs ne réussirent pas entièrement dans leur projet à mon égard, si mon soupçon sur le duc de Noailles a été véritable. Le régent ne put me cacher longtemps l’inclination supérieure qu’il avoit prise pour l’Angleterre. Je l’approuvai jusqu’à un certain point, pour entretenir la paix dont l’épuisement de la France et un temps de minorité avoient tant de besoin, et pour retenir le trop dangereux penchant du roi Georges vers l’empereur. Mais je ne pus approuver des dispositions à aller plus loin.

Je répétai au régent ce que je lui avois souvent dit, et ce que j’avois plus d’une fois opiné au conseil de régence, que l’intérêt essentiel de l’État étoit la plus solide et la plus inaltérable union avec l’Espagne ; que la même maison et encore presque au premier degré unissoit, et qu’aucune prétention