Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1857, octavo, tome 13.djvu/401

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secrète avec lui dans un coin du bois de Boulogne. Là il lui fit une peinture vive et touchante de sa situation, de son embarras sur le lieu de sa retraite et sur les moyens de subsister, rejeta le mauvais succès de son entreprise sur la conduite suspecte de Bolingbroke, qu’il venoit de destituer de sa place de secrétaire d’État, et se plaignit amèrement du duc de Berwick, qui n’avoit jamais voulu passer en Écosse. Il pria Cellamare de ne leur rien confier de ses affaires, mais d’en conférer seulement avec Magny qu’il avoit choisi. C’étoit un choix bien étrange, comme on le verra dans la suite. Ce Magny étoit fils de Foucault [1], conseiller d’État distingué et riche, qui avoit eu le crédit de le faire succéder en sa place. Intendant de Caen, il y avoit fait tant de sottises qu’il n’y put être soutenu, et de dépit et de libertinage avoit vendu sa charge de maître des requêtes, et s’étoit fait introducteur des ambassadeurs, où il ne put durer longtemps. Jacques témoigna à Cellamare que sa retraite à Rome seroit fort préjudiciable à ses affaires en Angleterre ; qu’il n’espéroit plus que le duc de Lorraine voulût le recevoir, laissa entrevoir, mais sans insister, son désir de l’être en Espagne, dit qu’il ne voyoit qu’Avignon, mais qu’en quelque lieu que ce fût il avoit grand besoin de secours tant pour lui que pour ceux qui avoient tout perdu pour le suivre. Il finit par demander cent mille écus au roi d’Espagne ; Cellamare s’en tira le plus honnêtement qu’il put, mais sans engagement dont il comprenoit les conséquences. Georges demandoit formellement à toutes les puissances de l’Europe de refuser tout secours et toute retraite à son ennemi et à ses adhérents. Stairs venoit de faire cette demande au régent par un mémoire très fort, et l’agent d’Angleterre étoit chargé du

  1. Nicolas-Joseph Foucault, dont Saint-Simon a parlé plusieurs fois dans ses Mémoires, a laissé un journal manuscrit (B. l, S. F.) où il rend compte de son administration dans diverses généralités. C’est un document fort précieux pour faire connaître la situation des provinces de la France. On a cité des extraits, t. XII, p. 502.