Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1857, octavo, tome 13.djvu/402

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même office auprès du roi d’Espagne. La cour d’Angleterre étoit d’autant plus vive là-dessus qu’elle connoissoit la mauvaise disposition des peuples et la haine du sang qu’elle avoit répandu ; ce qui l’engagea à entretenir dans les trois royaumes jusqu’à trente-cinq mille hommes et quarante vaisseaux de guerre. Dans cette situation douteuse, le ministre anglois chercha de plus en plus à s’assurer l’Espagne. Les flatteries et les confidences ne furent pas épargnées, jusqu’à montrer de la jalousie de la puissance de l’empereur en Italie ; et enclins à se liguer avec l’Espagne pour l’empêcher de s’y étendre, à lui confier que l’Angleterre avoit refusé un traité proposé par l’empereur, parce qu’il y vouloit stipuler qu’elle lui garantiroit la Toscane, à la flatter de l’attention à ne rien faire à son préjudice, enfin à leurrer le roi d’Espagne de ses secours dans les cas qui pourroient arriver en France, qui donneroient lieu à ses grands droits.

Rien ne pouvoit être plus agréable à la cour d’Espagne que l’alliance que le roi d’Angleterre lui proposoit. Le but véritable du secours offert au pape étoit d’avoir un corps de troupes en Italie pour tâcher, suivant les événements, d’y regagner quelque chose de ce qu’elle y avoit perdu ; et si le pape, dans la crainte de se rendre suspect, refusoit un si grand secours, il devoit être donné aux Vénitiens qui en demandoient aussi à l’Espagne ; mais ce qui toucha le plus la reine et Albéroni, pour ne pas dire le roi d’Espagne, ce fut la corde de ses grands droits en France adroitement pincée par Stanhope, qui produisit le plus doux son à leurs oreilles. Quelque intérêt qu’Albéroni parût avoir de préférer l’Espagne qu’il gouvernoit sans obstacle, à la France où il ne pouvoit espérer la même autorité qu’après bien des concurrences et de dangereux travaux, il ne laissoit pas d’être véritable qu’il exhortoit sans cesse le roi d’Espagne à n’abandonner pas le trône de ses pères, si le roi son neveu venoit à manquer, et qu’il n’appuyât ses raisons de tous les artifices et de toutes les lettres vraies ou fausses qu’il disoit