Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1857, octavo, tome 13.djvu/417

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

Noailles qui n’est pas sorti. » Et je me tourné tout de suite à regarder le duc de Noailles. M. de Troyes se tut tout court, et tous les yeux regardoient. Je tournai un peu mon siège ployant, pour donner plus d’aisance à M. de Noailles pour sortir, qui, au bout de quelques moments de silence, voyant celui de M. de Troyes et celui du régent, me tourna le dos avec impétuosité, et, sans saluer personne, s’en alla. Je regardai M. le comte de Toulouse qui riait, M. le duc d’Orléans qui ne sourcilla pas, et toute la compagnie qui me regardoit aussi, et qui riait ou sourioit. Ce fut après la nouvelle qu’il avoit fait la tentative, et que je l’avois chassé du conseil. Le comte de Toulouse, M. du Maine, M. le Duc, le maréchal de Villeroy et quelques autres, m’en parlèrent au sortir de la séance, et approuvèrent ce que j’avois fait, et moi je les blâmai de ne l’avoir pas fait eux-mêmes. J’en parlai après au régent, qui n’osa me désapprouver, à qui je reprochai sa faiblesse, et lui demandai si, pour être du conseil, il ne tenoit qu’à y entrer pour un moment sous quelque prétexte, et avoir après l’impudence d’y rester.

Une autre fois que c’étoit [conseil] de finance, et que le duc de Noailles y étoit, toujours auprès et au-dessous de moi, il se mit à pérorer sur la licence de vendre et de porter des étoffes défendues, sur le tort que cela faisoit aux manufactures du royaume, et s’étendit surtout avec une emphase merveilleuse sur l’abus de porter des toiles peintes, dont la mode l’emportoit sur toute règle et raison, et que les plus grandes dames, et toutes les autres à leur imitation et à l’abri de leur exemple, portoient publiquement et impunément partout, avec le plus scandaleux mépris public des défenses et des peines portées et si souvent réitérées ; conclut enfin avec le même feu d’éloquence à remédier enfin à un aussi grand mal et si préjudiciable, par des moyens efficaces, mais sans en expliquer ni en proposer aucun, apparemment pour éviter la haine du beau sexe. On opina là-dessus, ou plutôt on verbiagea sans rien dire plus que des mots. Quand ce fut à