Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1857, octavo, tome 13.djvu/439

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de Tourouvre, à la prière du cardinal de Noailles, et celui de Saint-Papoul à l’abbé de Choiseul à la mienne, qui ne l’a su que plus de quinze ans après, et qui est présentement évêque de Mende. Je ne lui avois jamais parlé, et personne ne m’avoit parlé de lui ; mais je le savois homme de bien et pauvre. Le ressort qui me fit agir fut la mémoire du maréchal de Choiseul, dont il étoit neveu, et tout jeune, lorsque j’en entendis dire un jour au maréchal qu’il l’aimoit. La même raison me fit obtenir de M. le duc d’Orléans des assistances pécuniaires pour le chevalier de Peseu, que je ne connoissois point, puis avancements, commandements et subsistances qui l’ont conduit jusqu’à la fin de sa vie à d’autres. Il le sut parce que cela ne se put cacher, et en a toujours été reconnoissant, ainsi que M. de Mende. Peseu étoit fils d’une sœur du maréchal de Choiseul, dont je savois qu’il avoit fort aimé et aidé les enfants, à qui jamais je n’avois eu occasion de parler.

Arouet, fils d’un notaire qui l’a été de mon père et de moi jusqu’à sa mort, fut exilé et envoyé à Tulle, pour des vers fort satiriques et fort impudents. Je ne m’amuserois pas à marquer une si petite bagatelle, si ce même Arouet, devenu grand poète et académicien, sous le nom de Voltaire, n’étoit devenu, à travers force aventures tragiques, une manière de personnage dans la république des lettres, et même une manière d’important parmi un certain monde.

Le prince Emmanuel, qui n’avoit pas encore dix-neuf ans, dernier des frères du roi de Portugal, arriva a Paris chez l’ambassadeur de sa nation, où il logea. Le roi son frère, dont la conduite étoit fort singulière, pour en parler plus que mesurément, l’avoit frappé dans un emportement. Le prince fut outré, et ne se crut plus en sûreté en Portugal. On ne se mit nullement en peine de le recevoir, sous prétexte de l’incognito. L’Angleterre dominoit en Portugal, y trouvoit son compte pour son commerce ; et, pour cela, le