Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1857, octavo, tome 13.djvu/457

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

des deux cours. Albéroni fit un projet pour donner, l’année suivante, un plus grand secours au pape, moyennant quelque imposition sur le clergé d’Espagne et des Indes, et en chargea Aldovrandi, qui partit subitement dans un carrosse du roi d’Espagne, qui le mena à Cadix, d’où il gagna l’Italie sur les vaisseaux de Sa Majesté Catholique. On comprit aisément qu’Albéroni n’avoit pas oublié ses intérêts personnels dans une démarche aussi singulière que l’envoi d’un nonce à Rome à l’insu de cette cour, et la curiosité étoit grande sur les secrets dont pouvoit être chargé un courrier aussi extraordinaire. On crut que ce qui se passoit en France sur la constitution avoit fait préférer la mer à Aldovrandi. Bentivoglio y souffloit le feu tant qu’il pouvoit, et tâchoit d’irriter le pape de toutes les chimères dont il pouvoit s’aviser. Comme il avoit des gens à lui dans le secret du régent, il fut averti de tout le détail de la ligue qui se traitoit entre la France et l’Angleterre. Il se hâta d’en informer le pape en l’assaisonnant de tout le venin qu’il y put jeter. Il l’attribuoit au désir qu’il imputoit au régent de venir à la couronne, faisoit peur au pape de cette union avec les ennemis de l’Église, et l’exhortoit à les empêcher de la détruire en prenant des liaisons avec ceux qui pouvoient l’empêcher. Cellamare avertit sa cour que la principale condition du traité étoit la garantie réciproque des successions aux couronnes de France et d’Angleterre, suivant la paix d’Utrecht ; que de plus les ouvrages du canal de Mardick cesseroient, et que le Prétendant sortiroit d’Avignon ; il se plaignoit aussi bien que Monteléon de la négligence de l’Espagne qui laissoit faire aux autres des liaisons qu’elle auroit pu prendre avant eux, et qui lui auroient été utiles.

Penterrieder, secrétaire de la cour impériale à Paris, ne pouvoit concilier l’alliance prête à se faire entre la France et l’Angleterre avec la ligue nouvellement signée entre l’empereur et le roi Georges. Stairs lui faisoit confidence des ordres de sa cour, et des réponses qu’il recevoit du régent,