Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1857, octavo, tome 13.djvu/463

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que si le roi d’Espagne prenoit le parti d’abandonner des vues éloignées, il devoit tirer de ceux qui profiteroient de ce sacrifice des engagements à soutenir ses droits en Italie. Albéroni ajoutoit à ces raisonnements des lamentations sur l’inaction du roi d’Espagne, tandis que le régent n’oublioit rien pour se fortifier au cas qu’il arrivât en France ouverture à succession.

Les manèges du ministère anglois étoient infinis sur ce traité avec la France, quoiqu’ils en sentissent la nécessité par rapport à la tranquillité intérieure de la Grande-Bretagne et à leurs vues au dehors. Ils l’éludoient pour le prolonger, afin d’entretenir la défiance de leur nation à l’égard de la France, et de se conserver le prétexte d’avoir des troupes en Angleterre et des subsides du parlement. Ainsi ils transférèrent la négociation de Paris à la Haye, où ils firent communiquer le traité au pensionnaire, à Duywenworde qui revenoit de l’ambassade de Londres, et à l’ambassadeur de France, bien moins pour en faciliter la conclusion que pour intéresser les Hollandois dans les demandes de l’Angleterre. Stairs, piqué de se voir enlever la conclusion d’une négociation commencée par lui et si avancée, se mit à déclamer contre les ministres de France, qui, à l’entendre, avoient changé toutes les dispositions si favorables que le régent lui avoit témoignées ; et ne cessa de mander au roi d’Angleterre de se défier de ce prince qui ne vouloit que le tromper et favoriser le Prétendant. Le singulier de ce projet de traité envoyé à la Haye fut qu’il n’y étoit pas fait la moindre mention du traité d’Utrecht, ni des garanties réciproques des successions aux couronnes de France et d’Angleterre, deux articles néanmoins qui devoient être la base d’une alliance à faire pour maintenir le repos de l’Europe. On soupçonna que c’étoit l’effet des avantages obtenus par les derniers traités de commerce faits entre l’Espagne et l’Angleterre, que celle-ci ne vouloit perdre pour rien, et que c’étoit pour la même raison que Stanhope n’avoit pas