Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1857, octavo, tome 13.djvu/474

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« M. Gilbert [1] est persuadé que l’établissement de la banque est avantageux en soi par la circulation et la multiplication des espèces ; mais il ne pense pas qu’on puisse présentement l’établir sans de grands inconvénients, et il ajoute que l’incertitude du succès va à décréditer le gouvernement, et qu’il seroit fâcheux présentement de hasarder un projet qui pourroit ne pas roussir.

« M. de Gaumont [2], qu’on ne doit pas risquer cet établissement dans le présent, et que cela influeroit sur le gouvernement.

« M. Baudry [3] croit cet établissement bon, mais ne croit pas que, dans les circonstances présentes, le public puisse y donner sa confiance ; que c’est cependant ce qui doit l’accréditer, sans quoi la banque tomberoit d’elle-même. Ainsi il juge qu’il faut attendre, pour ne pas donner comme un remède ce qui seroit visiblement un mal.

« M. d’Argenson [4] ne regarde la banque que comme la caisse des revenus du roi, ne trouve aucun inconvénient à l’établir, on supposant que la fidélité en sera toujours exacte, et croit qu’on doit tenter cette voie innocente pour rattraper la confiance.

« M. d’Effiat [5] en croit l’établissement utile, mais non pas à présent, et que cela feroit présentement resserrer l’argent encore plus qu’il ne l’est.

« M. le duc de Noailles [6] est persuadé de l’utilité d’une banque, mais que les temps ne conviennent pas, la défiance étant générale ; que, de plus, l’opposition des négociants ; dont la confiance est essentielle pour l’accréditement de la banque, la feroit échouer ; qu’il faut la leur faire désirer avant que de l’établir, et commencer par supprimer toutes les dépenses inutiles pour payer les dettes de l’État ; que rien ne sera plus propre à regagner la confiance, par l’attention qu’on

  1. Pierre Gilbert de Voisins avait été reçu maître des requêtes en 1711 ; il devint avocat général au parlement de Paris en 1718.
  2. Jean-Baptiste de Gaumont, intendant des finances.
  3. Gabriel Taschereau, seigneur de Baudry, devint dans la suite lieutenant de police.
  4. Marc-René Le Voyer de Paulmy, marquis d’Argenson, qui fut garde des sceaux et contrôleur général des finances. Saint-Simon parle souvent de ce personnage dans ses mémoires.
  5. Antoine Ruzé, marquis d’Effiat, conseiller d’État et membre du conseil de régence.
  6. Adrien-Maurice, duc de Noailles, fut nommé maréchal de France en 1734. Voy. sur ce personnage l’article précédent.