Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1857, octavo, tome 13.djvu/48

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

premier médecin qu’elle voyoit tous les matins, elle faisoit la malade quand il lui arrivoit de ces scènes, et c’étoit d’ordinaire par où elle les faisoit finir avec plus d’avantage.

Ce n’est pas que cet artifice, ni même la réalité la plus effective, eût aucun pouvoir d’ailleurs de contraindre le roi en quoi que ce pût être. C’étoit un homme uniquement personnel, et qui ne comptoit tous les autres, quels qu’ils fussent, que par rapport à sol. Sa dureté là-dessus étoit extrême. Dans les temps les plus vifs de sa vie pour ses maîtresses, leurs incommodités les plus opposées aux voyages et au grand habit de cour, car les dames les plus privilégiées ne paraissoient jamais autrement dans les carrosses ni en aucun lieu de cour, avant que Marly eût adouci cette étiquette, rien, dis-je, ne les en pouvoit dispenser. Grosses, malades, moins de six semaines après leurs couches, dans d’autres temps fâcheux, il falloit être en grand habit, parées et serrées dans leurs corps, aller en Flandre et plus loin encore, danser, veiller, être des fêtes, manger, être gaies et de bonne compagnie, changer de lieu, ne paroître craindre, ni être incommodées du chaud, du froid, de l’air, de la poussière, et tout cela précisément aux jours et aux heures marqués, sans déranger rien d’une minute.

Ses filles, il les a traitées toutes pareillement. On a vu en son temps qu’il n’eut pas plus de ménagement pour Mme la duchesse de Berry, ni même pour Mme la duchesse de Bourgogne, quoi que Fagon, Mme de Maintenon, etc., pussent dire et faire (quoiqu’il aimât Mme la duchesse de Bourgogne aussi tendrement qu’il en étoit capable) qui toutes les deux s’en blessèrent, et ce qu’il en dit avec soulagement, quoiqu’il n’y eût point encore d’enfants.

Il voyageoit toujours son carrosse plein de femmes : ses maîtresses, après ses bâtardes, ses belles-filles, quelquefois Madame, et des dames quand il y avoit place. Ce n’étoit que pour les rendez-vous de chasse, les voyages de Fontainebleau,