Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1857, octavo, tome 13.djvu/50

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

carrosse. Le roi, qui aimoit l’air, en vouloit toutes les glaces baissées, et auroit trouvé fort mauvais que quelque dame eût tiré le rideau contre le soleil, le vent ou le froid. Il ne falloit seulement pas s’en apercevoir, ni d’aucune autre sorte d’incommodité, et [le roi] alloit toujours extrêmement vite, avec des relais le plus ordinairement. Se trouver mal étoit un démérite à n’y plus revenir.

J’ai ouï conter à la duchesse de Chevreuse, que le roi a toujours fort aimée et distinguée, et qu’il a, tant qu’elle l’a pu, voulu avoir toujours dans ses voyages et dans ses particuliers, qu’allant dans son carrosse avec lui de Versailles à Fontainebleau, il lui prit au bout de deux lieues un de ces besoins pressants auxquels on ne croit pas pouvoir résister. Le voyage étoit tout de suite, et le roi arrêta en chemin, pour dîner sans sortir de son carrosse. Ces besoins, qui redoubloient à tous moments, ne se faisoient pas sentir à propos, comme à cette dînée, où elle eût pu descendre un moment dans la maison vis-à-vis. Mais le repas, si ménagé qu’elle le pût faire, redoubla l’extrémité de son état. Prête par moments à être forcée de l’avouer et de mettre pied à terre, prête aussi très souvent à perdre connoissance, son courage la soutint jusqu’à Fontainebleau où elle se trouva à bout. En mettant pied à terre, elle vit le duc de Beauvilliers, arrivé de la veille avec les enfants de France, à la portière du roi. Au lieu de monter à sa suite, elle prit le duc par le bras, et lui dit qu’elle alloit mourir si elle ne se soulageoit. Ils traversèrent un bout de la cour Ovale, et entrèrent dans la chapelle de cette cour, qui heureusement se trouva ouverte, et où on disoit des messes tous les matins. La nécessité n’a point de loi ; Mme de Chevreuse se soulagea pleinement dans cette chapelle, derrière le duc de Beauvilliers qui en tenoit la porte. Je rapporte cette misère pour montrer quelle étoit la gêne qu’éprouvoit journellement ce qui approchoit le roi avec le plus de faveur et de privance, car c’étoit alors l’apogée de celle de la duchesse de Chevreuse. Ces