Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1857, octavo, tome 13.djvu/74

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en Italie où on l’envoyoit, et où Vendôme étoit à la tête de l’armée, et [de] ce qu’il ajouta avec un air chagrin : qu’il ne falloit pas accoutumer ces messieurs-là, à ces ménagements, lequel duc de Vendôme bientôt après, parvint, et sans patente, à commander les maréchaux de France, et ceux-là encore qui longtemps avant lui avoient commandé des armées.

C’est un malheur dans la vie du roi et une plaie à la France, qui a continuellement été en augmentant, que la grandeur de ses bâtards, qu’il a enfin portée au comble inouï à la fin de sa vie, dont les derniers temps n’ont été principalement occupés qu’à la consolider, en les rendant puissants et redoutables. L’amirauté, l’artillerie, les carabiniers, tant de troupes et de régiments particuliers, les Suisses, les Grisons, la Guyenne, le Languedoc, la Bretagne en leurs mains les rendoient déjà assez considérables, jusqu’à la charge de grand veneur, pour leur donner de quoi plaire, et amuser un jeune roi. Leur rang égalé, à celui des princes du sang avoit coûté au roi le renversement de toutes les règles et les droits, et celui des lois du royaume les plus anciennes, les plus saintes, les plus fondamentales, les plus intactes. Il lui en coûta encore des démêlés avec les puissances étrangères, avec Rome surtout, à qui il fallut complaire en choses solides, et après avoir lutté longtemps pour obtenir que les ambassadeurs et les nonces rendissent aux bâtards les mêmes honneurs et les mêmes devoirs qu’aux princes du sang, et avec les mêmes traitements réciproques.

Ce même intérêt, comme on l’a vu dès le commencement de ces Mémoires, éleva les Lorrains sur les ducs en la promotion du Saint-Esprit de 1688, contre le goût du roi et la justice par lui-même reconnue et avouée au duc de Chevreuse, et a soutenu les mêmes en mille occasions pour les ployer aux bâtards. Cette même considération, comme on l’a vu en son temps, valut l’incognito si nouveau et si étrange au duc de Lorraine, lors de son hommage, dont si étrangement