Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1857, octavo, tome 13.djvu/81

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prédicateurs lui faisoient en chaire. Le roi, parlant à son successeur de ses bâtiments et de ses guerres, omit son luxe et ses profusions. Il se garda bien de lui rien toucher de ses funestes amours, article plus en sa place alors que tous les autres ; mais comment en parler devant ses bâtards, et en consommant leur épouvantable grandeur par les derniers actes de sa vie ? Jusque-là, si on excepte cette étrange omission et sa cause plus terrible encore, rien que de digne d’admiration, et d’une élévation véritablement chrétienne et royale.

Mais que dire de ses derniers discours à son neveu, après son testament, et depuis encore venant de faire son codicille, après avoir reçu les derniers sacrements ; de ses assurances positives, nettes, précises, toutes les deux fois, qu’il ne trouveroit rien dans ses dispositions qui pût lui faire de peine, tandis qu’elles n’ont été faites, et à deux reprises, que pour le déshonorer, le dépouiller, disons tout, pour l’égorger ? Cependant il le rassure, il le loue, il le caresse, il lui recommande son successeur, qu’il lui a totalement soustroit, et son royaume qu’il va, dit-il, seul gouverner, sur lequel il lui a ôté toute autorité ; et tandis qu’il vient d’achever de la livrer à ses ennemis tout entière ; et avec les plus formidables précautions, c’est à lui qu’il envoie pour des ordres, comme à celui à qui désormais il appartient seul d’en donner pour tout et sur tout. Est-ce artifice ? est-ce tromperie ? est-ce dérision jusqu’en mourant ? Quelle énigme à expliquer ! Tâchons plutôt de nous persuader que le roi se répondoit à soi-même.

Il répondoit à ce qu’il avoit toujours paru croire de l’impuissance de l’effet de ce qui lui avoit été extorqué, et que la faiblesse lui avoit arraché malgré lui. Disons plus, il ne douta point, il espéra peut-être qu’un testament inique et scandaleux, propre à mettre le feu dans sa famille et dans le royaume, tel enfin qu’il étoit réduit à en cacher profondément le secret, ne trouveroit pas plus d’appui que n’en