Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1857, octavo, tome 14.djvu/115

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entre autres à manger pour cent mille écus de collets de points de Gênes, qui étoient fort à la mode alors. Puysieux, mort chevalier de l’ordre, son frère l’évêque de Soissons, et Sillery père de Puysieux d’aujourd’hui, étoient ses petits-fils.

En même temps mourut la comtesse de Roucy, sans nous donner signe de vie ni de repentir. J’ai été trop de ses amis, et j’en ai été trop mal payé depuis, pour vouloir rien dire d’elle, d’autant que j’ai suffisamment exposé ma conduite et la sienne, et celle de son mari, dans l’éclat qu’ils jugèrent à propos de faire pour essayer vainement d’obtenir une charge de capitaine des gardes du corps.

Peu après mourut à Paris Mme Fouquet dans une grande piété, dans une grande retraite et dans un exercice continuel de bonnes œuvres toute sa vie. Elle étoit veuve de Nicolas Fouquet, célèbre par ses malheurs, qui, après avoir été huit ans surintendant des finances, paya les millions que le cardinal Mazarin avoit pris la jalousie de MM. Le Tellier et Colbert ; un peu trop de galanterie [1] et de splendeur, et trente-quatre ans de prison [2] à Pignerol, parce qu’on ne put lui faire pis malgré tout le crédit des ministres et l’autorité du roi, dont ils abusèrent jusqu’à avoir mis tout en œuvre pour le faire périr. Il mourut à Pignerol en 1680, à soixante-cinq ans, tout occupé depuis longues années de son salut. Lui et cette dernière femme, grand’mère de Belle-Île, seroient maintenant bien étonnés de la monstrueuse et complète fortune qu’il a su faire, et par quels degrés il y est parvenu. Cette Mme Fouquet étoit sœur de Castille, père du père de Mme de Guise. Il s’appeloit Montjeu, étoit trésorier de l’épargne,

  1. Voy. Note I à la fin du volume.
  2. Fouquet fut arrêté à Nantes en 1661 (septembre) et mourut à Pignerol en 1680, comme le dit Saint-Simon quelques lignes plus loin ; il n’a donc pas été trente-quatre ans prisonnier. Les précédents éditeurs avaient substitué vingt-quatre ans à trente-quatre ans. Cette correction, en altérant le texte, n’avait pas le mérite de l’exactitude chronologique, puisque la captivité de Fouquet n’a duré que dix-neuf ans.