Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1857, octavo, tome 14.djvu/131

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sage conduite qu’il avoit eue d’informer la reine de ce dont il étoit chargé. Les protestations d’attachement à Son Altesse Royale y étoient légères. Il le dépeignoit comme uniquement attentif aux événements qu’il envisageoit, et ce qu’Albéroni ne vouloit pas dire comme de soi parce qu’il étoit trop fort, il le prêtoit vrai ou faux aux ministres d’Angleterre et de Hollande qui étoient à Madrid, et qui disoient qu’en leur pays tout le monde étoit persuadé que M. le duc d’Orléans ne songeoit qu’à s’assurer de la couronne, et que, lorsque toutes les mesures seroient bien prises, la personne du roi ne l’embarrasseroit pas. Avant d’aller plus loin dans la lettre, qui n’admirera l’horreur de ce propos, et l’impudence sans mesure de ne l’écrire que pour le faire voir à M. le duc d’Orléans ? Remettons-nous en cet endroit les énormes discours semés, et de temps en temps renouvelés, avec tant d’art et de noirceur sur la mort de nos princes, leur germe, leurs sources, leurs appuis, leurs usages, et l’étonnante situation d’Effiat entre M. le duc d’Orléans et le duc du Maine, et d’Effiat chargé par M. le duc d’Orléans d’entretenir, comme on l’a vu, un commerce de lettres avec Albéroni qu’il connoissoit fort du temps qu’il étoit au duc de Vendôme, auquel Effiat étoit sourdement lié par le duc du Maine. Ajoutons que ce n’est pas de ce canal naturel dont Albéroni se sert pour faire montrer sa monstrueuse lettre à M. le duc d’Orléans, mais d’un étranger isolé qui ne tenoit à personne. Je m’en tiens à ces courtes remarques, et je continue le récit de cette lettre. Il la concluoit par déplorer le malheur de M. le duc d’Orléans, et gémir sur l’opinion qu’il prétendoit que le public avoit prise de lui. Que dire d’une pareille insulte d’un abbé Albéroni au régent de France, entée sur une autre, et du premier ordre, faite au roi de France et au régent, l’une et l’autre uniquement produites par l’intérêt particulier et la jalousie d’autorité du petit Albéroni ?

Au milieu de cette incroyable audace, il se trouvoit également