Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1857, octavo, tome 14.djvu/245

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que ce prince donneroit une de ses filles au jeune duc de Holstein. L’empereur désiroit ardemment la paix du nord, et les Hollandois pour le moins autant, pour leur commerce et pour affermir la paix dans toute l’Europe. Leurs dettes étoient immenses ; la nécessité d’épargner les avoit obligés à une grande réforme de troupes, et à manquer à la parole qu’ils avoient donnée, pendant la dernière guerre à MM. de Berne de conserver en tout temps vingt-quatre compagnies de leur canton. Ils avoient réformé trois mille Suisses. Les troupes qu’ils avoient conservées se montoient à vingt-huit mille hommes d’infanterie, deux mille cinq cents de cavalerie et quinze cents dragons ; ce qui leur parut suffisant dans un temps où ils ne voyoient plus de guerre prochaine, surtout depuis la dernière liaison de la France avec l’Angleterre, et le départ du Prétendant d’Avignon pour se retirer en Italie.

Lorsque ce prince approcha de Turin, le roi de Sicile lui envoya le marquis de Caravaglia et une partie de sa maison pour le recevoir et le traiter. Il entra dans Turin, vit incognito le roi et la reine de Sicile, et le prince de Piémont ; demeura quelques heures dans la ville sans cérémonies, et continua son chemin. Ce passage avoit fort embarrassé le roi de Sicile. Sa proche parenté avec le Prétendant, et les droits qu’il en tiroit dans l’ordre naturel pour la succession d’Angleterre, ne lui permettoient pas de refuser passage à ce prince, par conséquent [de refuser] de le faire recevoir et de le voir. Il craignoit de mécontenter l’Angleterre ; il n’espéroit que du roi Georges son accommodement avec l’empereur. Trivié, son ambassadeur à Londres, l’avoit flatté que ce prince lui garantiroit la Sicile ; mais quand son successeur La Pérouse en parla à Stanhope, celui-ci lui nia le fait. Il lui dit que si le roi d’Angleterre se portoit à lui garantir les traités antérieurs à celui d’Utrecht, jamais il n’irait au delà, ni à aucune garantie pour la Sicile ; que l’empereur ne vouloit entendre parler de rien avant que la Sicile lui fût