Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1857, octavo, tome 14.djvu/262

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n’osoit envoyer un ministre à Turin, et parce que le gouvernement s’y étoit hautement déclaré contre le traité d’Utrecht ; qu’il n’avoit consenti à la triple alliance que pour en réparer les défauts ; que, content d’y avoir remédié de la sorte, il s’embarrasseroit peu de ses derniers engagements, à ce que les whigs publioient hautement, et que jamais ils n’entreprendroient une guerre nouvelle pour la garantie de ce qu’il venoit de promettre. Monteléon, qui en étoit bien persuadé, avoit conseillé à ce prince de s’adresser au roi d’Espagne ; mais il trouva dans Albéroni un ministre qui le connoissoit bien, ainsi que toute l’Europe, et qui disoit qu’il vouloit tirer les marrons du fou avec la patte du chat, et à qui il ne falloit donner que de belles paroles.

La correspondance avec Venise, interrompue par la nécessité où cette république s’étoit trouvée de reconnoître l’empereur comme roi d’Espagne, étoit prête à se rétablir par les excuses que le noble Mocenigo, envoyé exprès à Madrid, en devoit faire au roi d’Espagne dans une audience publique. Les Vénitiens avoient enfin pris ce parti, par leur frayeur commune avec le pape de voir les Turcs sur les côtes de l’Italie et l’impatience d’y voir arriver au plus tôt les secours maritimes promis au pape par l’Espagne.




CHAPITRE XII.


Le régent livré à la constitution sans contre-poids. — Le nonce Bentivoglio veut faire signer aux évêques que la constitution est règle de foi, et y échoue. — Appel de la Sorbonne et des quatre évêques. — J’exhorte en vain le cardinal de Noailles à publier son appel, et lui en prédis le succès et celui de son délai. — Variations du maréchal d’Huxelles dans les affaires de la constitution. — Entretien