Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1857, octavo, tome 14.djvu/299

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Ce mélange de gens de qualité de moindre, et des plus petits compagnons, ne blessa point ceux de la plus grande naissance, et pour faire nombre tout leur fut bon. Quelques gens d’esprit de la première qualité passèrent là-dessus pour parvenir à grossir assez, pour, après le prétexte des ducs, venir à des choses plus importantes, à ventiler le gouvernement et parvenir à ce que se proposent ceux qui s’élèvent contre le roi ou le régent ou le premier ministre, comme on a vu dans tous les troubles domestiques et les guerres civiles de tous les âges de la monarchie. Le grand nombre de ces gens de toutes qualités étoient menés par le nez, comme il arrive toujours, par le chef ou les chefs, et le petit nombre de leurs confidents, qui détachent des émissaires, et qui tournent les esprits, sous divers prétextes, à faire tout ce qui leur convient, et ce qui ne convient qu’à eux ; et qui se rient et se moquent de ce grand nombre d’instruments dont ils font la même sorte de cas qu’un artisan et un ouvrier font de leurs outils, dont tout le travail n’est utile qu’à eux, et est inutile aux outils mêmes, qui, après avoir bien servi leurs maîtres, deviennent usés, ébréchés, cassés, et ne sont plus de nul usage, ni ramassés par personne. Tel fut ce groupe qui, depuis les Châtillon, les Rieux, etc., jusqu’aux Bonnetot et autres fils de secrétaires du roi ou de fermiers, osèrent se produire comme un corps sous l’auguste nom du second des trois États du royaume, de leur unique autorité. Ce fut donc ce monstre sans titre légitime, ni même l’ombre illégitime, sans convocation, sans élection, sans pouvoir, ni instruction ni commission, [qui] se donna sous le nom de la noblesse, dont les trois quarts auroient eu grande peine à prouver la leur. Je n’en nomme aucun, parce que je ne prétends pas entrer en des généalogies, qui n’ont d’autre fruit que de désoler ceux qui ne peuvent montrer de vérité, et si j’ai nommé ce Bonnetot, c’est par le contraste d’avoir pour sa richesse épousé une fille de M. de Châtillon, et [avoir été] admis par lui, et en sa considération, par tous les autres, à