Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1857, octavo, tome 14.djvu/323

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tout temps, sous les rois prédécesseurs, tels que la dignité des ducs, dans toutes leurs distinctions, rangs et prérogatives ; aussi fut-ce un coup de foudre sur cette prétendue noblesse. On parla de quelque autre affaire courte au commencement de ce conseil, après laquelle celle-ci fut mise sur le tapis par M. le duc d’Orléans. À l’instant, je regardai les ducs du conseil, puis me tournant au régent, je lui dis que, puisqu’il s’alloit traiter de l’affaire de ces messieurs de la noblesse, je n’oubliois point que nous étions tous du second des trois ordres du royaume, et que je le priois de me permettre de n’être pas juge, et de sortir du conseil. Je me levai en même temps, et quoique moi ni les autres ducs n’y eussions été préparés en aucune sorte, regardant la table quand j’eus fait quelques pas, je vis tous les ducs du conseil qui me suivirent. Quittant ma place, le duc de Toulouse me dit tout bas : « Et nous, que ferons-nous ? — Tout ce qu’il vous plaira, lui dis-je ; pour nous autres ducs, je crois que nous nous devons de sortir. » Nous nous mîmes ensemble dans la pièce d’avant celle du conseil pour y rentrer après l’affaire. Presque aussitôt nous vîmes les princes du sang et les bâtards sortir. Cela fit un grand mouvement dans ces dehors, où il y avoit quelques personnes de cette noblesse qui se tenoient éloignées dans des coins, qui avoient en apparemment quelque vent qu’il seroit question d’eux au conseil. Les ducs sortis avec moi me remercièrent d’avoir pensé à ce à quoi ils ne songeoient pas, et de leur avoir donné un exemple qu’ils avoient suivi aussitôt, et dont, comme leur ancien à tous, j’étois plus en droit de faire. L’affaire dura assez, après quoi M. le duc d’Orléans sortit, sans en entamer d’autres, et nous sûmes aussitôt l’arrêt qui venoit d’être rendu.

Dans tout le cours de ce long vacarme (car il ne se peut rendre que par ce nom), les ducs, avec raison fort tranquilles sur leur dignité, ne s’assemblèrent pas une seule fois, ni tous, ni quelques-uns, ne firent aucun écrit, et ne députèrent pas une seule fois au régent. Par même raison