Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1857, octavo, tome 14.djvu/334

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de joie. Elle fut bien troublée quand il parla à son fils. L’histoire des regrets des deux amants et de leur résistance est touchante, et la violence qu’ils éprouvèrent ne fait pas honneur à ceux qui l’employèrent. Je n’ai pas dessein de la copier ici. Je dirai seulement qu’ils n’eurent de défense contre l’autorité royale et paternelle tout entière déployée contre eux, ni d’autres armes pour se défendre que leur conscience et leur honneur. Mlle de Piennes fut mise et resserrée dans un couvent, et le maréchal de Montmorency forcé d’aller à Rome solliciter en personne la dispense de sa promesse, qu’il y sollicita en homme qui ne la vouloit pas obtenir. En même temps Henri II fit l’édit célèbre contre les mariages clandestins, avec clause rétroactive expressément mise pour l’affaire du maréchal de Montmorency, lequel fut la seule cause de l’édit. Finalement il fallut obéir. Il épousa la duchesse de Castro. Ce fut pour le consoler, et en considération de ce mariage qu’Henri II lui donna, dans son conseil, la préséance sur le chancelier, n’étant encore que maréchal de France, mais avec de grands emplois. On voit combien ce fait personnel et singulier est étranger à la branche de Montmorency-Laval, et combien M. de Laval fut prodigue de mensonges pour s’en avantager. J’ajouterai pour la simple curiosité que Mlle de Piennes fut longtemps dans la douleur et dans la solitude.

Bien des années après, les Guise, méditant la Ligue et ce qu’ils furent si près d’exécuter, s’attachèrent le marquis de Maignelets ; ce furent eux qui le firent faire duc et pair dans la suite. Ils s’attachèrent tant qu’ils purent les ministres, et Mlle de Piennes se trouvant très difficile à marier après une aventure si éclatante, où son honneur pourtant n’étoit point intéressé, mais par la délicatesse de ces temps-là sur les mariages, les Guise, pour flatter les ministres, et qui avoient les Robertet tout à fait à eux, firent le mariage de Mlle de Piennes avec Florimond Robertet, seigneur d’Alluye, secrétaire d’État, et ministre alors important, qui avoit le gouvernement