Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1857, octavo, tome 14.djvu/341

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jamais de rien. Depuis la mort du roi ses informations n’étoient plus les mêmes ; l’ancienne cour se trouvoit éparpillée et ne savoit plus rien ; lui-même retiré chez lui, touchant à quatre-vingts ans, ne voyoit plus que des restes d’épluchures, et il y paroît bien à la suite de ses Mémoires depuis la mort du roi. À propos de cette requête au parlement de la prétendue noblesse sur l’affaire des princes du sang et des bâtards, il dit sur le samedi 19 juin que le duc du Maine et le comte de Toulouse allèrent au parlement, et firent leurs protestations contre tout ce qui seroit réglé dans l’affaire qu’ils ont avec les princes du sang ; et sur le lundi 21 juin, il dit que M. le Duc et M. le prince de Conti allèrent au parlement, qu’ils demandèrent que la protestation des princes légitimes ne fût pas reçue, et que M. le prince de Conti lut un petit mémoire lui-même. Voilà qui est bien précis sur la date, et bien circonstancié sur les faits.

Je n’eus occasion de voir ces Mémoires que depuis la mort de Dangeau, et cet endroit me surprit au dernier point. Je n’en avois aucune idée. Je ne pouvois comprendre qu’un fait de cet éclat fût sitôt effacé de ma mémoire, surtout avec la part que j’avois prise à toute cette affaire, par rapport à l’intérêt des ducs. D’un autre côté, je ne pouvois imaginer que Dangeau eût mis dans ses Mémoires une fausseté de cette espèce, et tellement datée et circonstanciée. Cela me tourmenta quelques jours ; enfin, je pris le parti d’aller trouver le procureur général Joly de Fleury, et de lui demander ce qui en était. Il m’assura qu’il n’y en avoit pas un mot, qu’il étoit très certain que jamais le duc du Maine et le comte de Toulouse n’étoient venus faire ces protestations au parlement, ni M. le Duc et M. le prince de Conti non plus demander qu’elles ne fussent pas reçues, qu’il avoit cela très présent à la mémoire, et qu’un fait de tel éclat ne lui auroit pas échappé de la mémoire dans la place qu’il remplissoit dès lors, et qui le mettoit [en état] d’en être bien et promptement informé, s’il y en eût eu seulement