Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1857, octavo, tome 14.djvu/348

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su profiter. Il eut pourtant le courage d’ôter le même jour à M. de Châtillon la pension de douze mille livres qu’il lui donnoit, et son logement au Palais-Royal. Comme il étoit fort pauvre, et depuis bien des années fort obscur, il alla bientôt après s’enterrer dans une très petite terre qu’il avoit auprès de Thouars, où il est presque toujours demeuré jusqu’à sa mort.

Les ducs ne prirent aucune part à pas un de tous ces mouvements et demeurèrent parfaitement tranquilles ; ils n’avoient rien ni à perdre ni à gagner, et laissèrent bourdonner et aboyer. À l’égard des bâtards, contents des requêtes qu’ils avoient présentées au roi, et portées au régent sur la restitution de leur rang à cet égard, ils n’avoient pas trouvé assez de fermeté, de justice, ni de parole dans le régent sur le bonnet et les autres choses concernant le parlement, pour s’en promettre davantage contre des personnes si proches, si grandement établies, et si fortement soutenues d’intrigues et d’obsessions près de lui. Ils estimèrent donc qu’après avoir mis leur droit à couvert par leurs requêtes au roi, le repos et la tranquillité étoit le seul parti qu’ils eussent à prendre, en attendant des conjonctures plus favorables, si tant étoit qu’il en arrivât, et les surprenants adoucissements que, de pleine autorité, le régent apporta à l’arrêt en forme d’édit beaucoup trop doux encore aux yeux des juges et du parlement qui l’enregistra, témoigna bien la sagesse de cette prévoyance. À mon égard en particulier, je continuai dans mon même silence avec le régent par les mêmes raisons que je viens de dire, et pour lui montrer aussi une sorte d’indifférence sur une conduite que je ne pouvois ni approuver ni changer, et je me contentai de lui répandre froidement et laconiquement, lorsque rarement il ne put s’empêcher de me parler de ces deux affaires qui, n’ayant qu’une même source, marchèrent en même temps. Elles m’ont paru mériter d’être rapportées tout de suite, et sans mélange d’aucune autre. C’est cette raison qui m’a fait remettre ici après coup ce qui en auroit trop longuement interrompu