Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1857, octavo, tome 14.djvu/365

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

songe à élever sa famille par quelque charge. Voilà pour la première raison.

La seconde n’est pas moins forte, parce que c’est celle de l’ambition. Nul moyen à cet ordre de se mêler avec le second que l’abondance de l’un et le malaise de l’autre ; et comme de ce mélange résulte un honneur et un avantage dont le troisième ordre est très jaloux, il est à présumer qu’il ne s’en laissera pas aisément fermer la porte, beaucoup moins celle que le dernier gouvernement lui a si largement ouverte, cette domination que le riche a toujours sur le pauvre, de quelque extraction qu’ils soient, et qu’il appuie par des emplois d’autorité où on n’arrive que par les charges vénales, dont les prix sont excessifs par rapport à leur revenu. Ces voies de s’égaler à la noblesse ne s’abandonneront pas aisément, d’autant plus qu’elles se terminent à quelque chose de plus fort, par le besoin continuel où la noblesse se trouve, depuis la plus illustre jusqu’à la moindre, des biens et de la protection (car il en faut dire le mot) des particuliers riches et en charge du troisième ordre, dont il est presque tout entier composé. Ce n’est pas que je pense que tout le troisième ordre soit riche ; mais je dis que, à la réserve d’un très petit nombre, tous sont considérables à la noblesse ou par les biens ou par les emplois. En effet, pour un créancier du second ordre, on en trouveroit mille du troisième, et au contraire un débiteur du troisième pour mille du second. À l’égard des charges, outre que le nombre de celles de judicature, de plume et de finances, est infini, c’est qu’il n’en est aucune qui n’ait une autorité et un pouvoir direct ou indirect, qui ne souffre aucune comparaison avec quelque charge militaire que ce soit dont la proportion puisse être faite.

Par ce court détail il paroît que presque tout le premier et le second ordre seront très animés contre les rentes, et le troisième, au contraire, très ardent et très attentif à les soutenir. De ce débat, qui est fondé sur la destruction de la