Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1857, octavo, tome 14.djvu/370

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tirant aucun secours, et Votre Altesse Royale ne pensant à une tenue d’états généraux que pour les finances essentiellement, et subsidiairement pour l’affaire des princes, il me paroît qu’elle ne peut être conseillée de les assembler. Mais ce n’est pas assez de vous les avoir démontrés parfaitement inutiles pour les desseins que vous vous en étiez proposés ; il faut encore faire faire à Votre Altesse Royale l’attention nécessaire sur les inconvénients qu’ils pourroient produire à présent.

On ne peut les prévoir tous, et il est aisé qu’il en arrive de plus grands que ceux dont on va parler, tant de la combinaison et de l’entrelacement de ceux-là mêmes que des événements fortuits et de la nature des choses. Le premier qui se présente à l’esprit est l’embarras qui naîtra des compétences et des rangs qui seront respectivement prétendus. On voit maintenant que ceux dont le droit est le plus certain, et [que] l’usage le plus constant et le plus suivi devroit avoir mis hors de toute contestation, deviennent chaque jour l’objet des plus vives disputes ; combien plus dans une assemblée aussi générale, aussi longuement interrompue, dont toutes les relations qui nous restent de celles qui ont été tenues sont laconiques sur cette matière, parce qu’autrefois rien n’étoit mieux établi et observé que les rangs dans ces grandes solennités, et que personne n’osoit ni ne pensoit à outrepasser rien ! Le temps présent semble tout permettre en ce genre, et le pis aller d’une mauvaise cause est un mezzo-termine, par lequel elle gagne au moins, pour peu que ce soit, ce qu’elle n’avoit pas. Ainsi on doit s’attendre que les députés personnellement entre eux, que les députations, au nom de leurs bailliages et de leurs gouvernements, que les ordres mêmes, quelque décidé que soit celui des trois chambres entre elles, tous formeront des contestations qui dureront longtemps, et tous y seront si opiniâtres que Votre Altesse Royale en aura pour plusieurs mois avant de pouvoir travailler à aucune autre affaire ; que celle-là deviendra