Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1857, octavo, tome 14.djvu/396

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et de ce que la noblesse n’a nulle autre ressource ni métier en France que les armes, où, elle se ruine encore, est arrivé le malaise des seigneurs les plus distingués, la chute des plus grandes maisons, et la pauvreté affreuse d’une infinité de noblesse. Le mépris qui en résulte achève d’accabler les uns et d’outrer les autres, et cette horrible extrémité ne peut manquer de produire des remontrances d’une justice infinie, mais qui, pour le fond et la forme, ne seront pas d’un moindre embarras.

Outre ceux qui naîtront du fonds général d’épuisement en matière de soulagement, c’est qu’il est impossible que le rejet des uns ne retombe en partie sur les autres, et que les formes proposées, tant sur le fonds du soulagement que sur sa forme, par rapport aux privilèges de la noblesse et à l’autorité qui s’exerce tyranniquement sur elle, ne la commettent avec le tiers état, qui ne voudra point payer le soulagement d’autrui, ni aussi peu perdre les moyens auxquels il se trouve arrivé peu à peu de la tenir dans sa dépendance. Des intérêts si pressants et si contradictoires ne se poursuivent pas longtemps sans aigreur, que le temps et les circonstances présentes ne semblent pas trop en état [de] réprimer suffisamment. Nouvelles difficultés pour Votre Altesse Royale, et toutes plus fâcheuses les unes que les autres.

Le militaire, nerf de l’État, élite de la noblesse, a infiniment souffert dans les dernières années du feu roi, et non depuis votre régence. Vos moyens à cet égard n’ont pu être d’accord avec votre inclination ; mais ne comptez pas, Monseigneur, que le mécontentement en soit moindre. Les gens de guerre, remplis d’espérances proportionnées à leurs besoins, ont vu avec une extrême joie passer entre les mains de ceux de leur métier l’administration de tout ce qui le regarde sous un régent qui en a fait sa gloire, mais ce régent guerrier, ni ses ministres pris des armées, n’ont pu répondre à ces justes désirs, et ces désirs déçus causent un