Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1857, octavo, tome 14.djvu/400

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l’application et le travail de Votre Altesse Royale méritent toutes sortes de louanges, il n’est pourtant que trop vrai que le peuple, qui sent ses justes espérances tournées en augmentation de douleurs, n’est pas disposé à des jugements favorables, s’irrite de ce qu’il ignore, et peut-être encore de ce qu’il devroit ignorer. Ce n’est plus l’air de confiance ni la confiance même qui conduit aux états, ce sont les mêmes nécessités qui ont donné occasion à d’autres tenues dont le succès n’a pas été heureux. À bout de remèdes, vous y en voulez chercher ; eux-mêmes n’ont plus rien à vous offrir en ce genre qui puisse être à leur goût, après avoir souffert tous ceux que vous avez tentés, mais que, convaincus de la nécessité publique, eux-mêmes, d’abord consultés, vous eussent peut-être proposés plus forts et plus utiles, avec un succès plus heureux, parce que le mal qu’on se fait à soi-même est infiniment moins douloureux et moins sensible.

Ces remèdes ont tous porté sur le tiers état d’une manière directe ; et si les deux autres en ont souffert, ce n’a été que du rejaillissement de celui-ci. Ensuite ç’a été le militaire sur le prix de son sang et de ses travaux, dans les différentes révolutions des papiers du roi qu’il a été forcé de recevoir pour sa solde. Après des opérations si sensibles, se doit-on flatter que le tiers état le soit assez d’une consultation qu’il croira forcée par la pure nécessité pour chercher à présenter des remèdes à ses dépens, ou pour consentir sans émotion à ceux qui lui pourroient être proposés ? Tels sont ceux qui portent sûr les rentes, que j’ai suffisamment traités plus haut, et de même nature tout ce qui est sur le roi. N’y a-t-il point plutôt à craindre que, comme la consultation emporte un raisonnement nécessaire, il ne mette sur le tapis des questions embarrassantes, et que, l’humeur s’y joignant, on ne se contente pas aisément des réponses les plus solides ? Je doute, par exemple, que, quelques avantages qu’on puisse montrer de la banque du sieur Law