Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1857, octavo, tome 14.djvu/402

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de l’établir sur le trône. Chéri et révéré de tous ses sujets, il crut pouvoir leur faire des consultations et des demandes. Il n’avoit alors à leur montrer que la gestion d’un surintendant dont on admire encore les lumières et la droiture. Qu’en arriva-t-il ? Des propositions qu’on eut grand’peine à modérer, et qui, dans toute la considération qu’on put obtenir par adresse, touchèrent sensiblement Henri IV, l’obligèrent à tout éluder et à congédier l’assemblée, dont il ne recueillit que ce seul fruit. C’est à vous, Monseigneur, à en faire l’application, et de cet exemple et de celui des états de la minorité de Louis XIII, sur lesquels vous ne pouvez suffisamment méditer. Craignez de vous voir obligé à supprimer beaucoup d’impôts tout d’un coup, et spécialement ceux de la capitation et du dixième, sans avoir en même temps d’autres ressources présentes, et peut-être peu à espérer des états. C’est le moins peut-être qui puisse arriver de leur tenue. Mais, pour dernier inconvénient, que seroit-ce si vous aviez à les vouloir dissoudre, comme Henri IV l’assemblée des notables, et comme il est arrivé à plusieurs tenues d’états ? Que diroit le dedans, et que ne feroit point le dehors avec lequel vous êtes maintenant dans une situation si heureuse et si différente de votre avènement à la régence ? Profitez-en, Monseigneur, et ne la troublez point par une résolution qui ne vous apportera pour tous remèdes que des embarras et des dangers.

Ce n’est pas que je voulusse m’engager à soutenir qu’il ne faut jamais plus d’états généraux ; je les ai ardemment souhaités et conseillés à l’entrée de votre régence, et il se pourra trouver des conjonctures où il sera bon et utile de les assembler ; mais ce ne sont pas celles d’aujourd’hui, où tout est enflammé, où tout est entamé sur les finances, où sans états vous avez tous ceux que vous pouvez consulter, et qui seroient peu écoutés dans cette assemblée, laquelle fourniroit autant de remèdes contradictoires qu’il s’y trouveroit d’intérêts d’ordres et de provinces différents, et produiroit