Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1857, octavo, tome 14.djvu/406

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cabale et leur prétendue noblesse ; et qu’ils feroient retomber sur moi l’empêchement de la tenue des états généraux, avec tout le vacarme qu’ils en pourroient exciter, et que la nature de la chose exciteroit d’elle-même. C’est ce qui m’engagea à y faire mention des états généraux proposés par moi à la mort du roi, résolus sur mes vives raisons, empêchés par le duc de Noailles, et d’appuyer sur la différence de les avoir tenus alors à les tenir aujourd’hui. C’est aussi ce qui m’engagea à faire mention du projet là-dessus auquel j’avois travaillé sous Mgr le Dauphin, père du roi, pour bien mettre en évidence que, si j’étois contraire aux états généraux pour aujourd’hui, ce n’étoit qu’à cause des conjonctures, et non par aversion pour l’assemblée nationale, que j’avois voulue et fait résoudre en d’autres, et mettre par là à bout là-dessus la malignité de ceux dont j’en avois éprouvé les plus noires et les plus profondes.

Il est vrai que je n’ai pu m’y refuser quelques traits sur le duc de Noailles, tant pour remettre sous les yeux de M. le duc d’Orléans les horreurs gratuites qu’il me fit à la mort du roi, que ses opiniâtres méprises dans sa gestion des finances, et l’abus de son crédit pour affubler le duc de La Force d’une besogne odieuse, pour s’en ôter la haine à ses dépens et la détourner toute sur lui par la longueur d’une besogne qui tenoit toutes les fortunes des particuliers en l’air, au grand détriment des affaires publiques. Je me doutois bien que M. le duc d’Orléans n’auroit pas la force de lui cacher mon mémoire, et je me proposois de lui ôter l’envie de tenir des propos sur moi en cette occasion par la crainte de voir courir ce mémoire, comme je l’avois bien résolu au premier mot qu’il auroit osé lâcher.

C’est dans la pensée d’en faire cet usage que j’ai adouci et enveloppé le plus qu’il m’a été possible ce qu’il n’y avoit pas moyen de dissimuler à M. le régent sur sa faiblesse et sa facilité, parce que ce défaut étoit un inconvénient capital qui eût grossi tous les autres, et donné naissance à quantité ; et