Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1857, octavo, tome 14.djvu/413

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plus d’étendue, et ses vues sur ce qu’il seroit à propos de faire ou de rejeter. Ce fut là où la fausse modestie n’oublia rien pour capter les auditeurs par un air de désir de chercher à exposer ses fautes et ses vues à l’examen et à la correction du comité, et à profiter de ses lumières. Rien de si humble, de si plein de flatterie, de si préparatoire à l’admiration qu’il espéroit damer au comité, ni de plus désireux d’en enlever l’approbation. Cette partie ne fut pas mains diffuse que l’autre, mais le spécieux le plus touchant y brilloit partout.

Quand il eut fini, M. le duc d’Orléans et presque tous les auditeurs, dans le nombre desquels étoient les présidents ou chefs des conseils, lui donnèrent des louanges. Ensuite M. le duc d’Orléans, passant les yeux sur toute la compagnie, dit qu’il ne s’agissoit plus que de nommer le comité. C’étoit un samedi après-midi, 26 juin. Il y avoit un mais que je vivois là-dessus dans une parfaite confiance, lorsque M. le duc d’Orléans déclara le comité tout de suite, qu’il se tiendroit toutes les semaines chez le chancelier autant de fois qu’à chaque comité il seroit jugé nécessaire, et que tout à coup je m’entendis nommer le premier.

Dans ma surprise, j’interrompis et je suppliai M. le duc d’Orléans de se souvenir de ce que j’avois eu l’honneur de lui représenter toutes les deux fais qu’il m’avoit fait l’honneur de m’en parler ; il me répondit qu’il ne l’avoit pas oublié ; mais que je lui ferois plaisir d’en être. Je répliquai que j’y serois entièrement inutile, parce que je n’entendois rien du tout aux finances, et que je le suppliois très instamment de m’en dispenser. « Monsieur, reprit M. le duc d’Orléans d’un ton honnête, mais de régent, et c’est l’unique fois qu’il l’ait pris avec moi, encore une fois, je vous prie d’en être, et s’il faut vous le dire, je vous l’ordonne. » Je m’inclinai sur la table intérieurement fort en colère, et lui répartis. « Monsieur, vous êtes le maître ; il ne me reste qu’à obéir ; mais au moins vous me permettrez d’attester