Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1857, octavo, tome 14.djvu/435

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

toute sa maison, qu’il visita fort curieusement. Comptant partir vers le 16 juin, il demanda des bateaux pour ce temps-là à Charleville, dans le dessein de descendre la Meuse.

Samedi 22, il fut à Bercy, chez Pajot d’Ons-en-Bray, principal directeur de la poste, dont la maison est pleine de toutes sortes de raretés et de curiosités, tant naturelles que mécaniques. Le célèbre P. Sébastien, carme, y était. Il s’y amusa tout le jour, et y admira plusieurs belles machines.

Le dimanche 23 mai, il fut dîner à Saint-Cloud, où M. le duc d’Orléans l’attendoit ; il vit la maison et les jardins, qui lui plurent fort ; passa, en s’en retournant, au château de Madrid, qu’il visita, et alla de là voir Mme la duchesse d’Orléans au Palais-Royal, où, parmi beaucoup de politesses, il ne laissa pas de montrer un grand air de supériorité, ce qu’il avoit bien moins marqué chez Madame et chez Mme la duchesse de Berry.

Lundi 24, il alla aux Tuileries de bonne heure, avant que le roi fût levé. Il entra chez le maréchal de Villeroy, qui lui fit voir les pierreries de la couronne. Il les trouva plus belles et en plus grand nombre qu’il ne pensoit, mais il dit qu’il ne s’y connoissoit guère. Il témoignoit faire peu de cas des beautés purement de richesses et d’imagination, de celles surtout auxquelles il ne pouvoit atteindre. De là, il voulut aller voir le roi qui, de son côté, venoit le trouver chez le maréchal de Villeroy. Cela fut compassé exprès pour que ce ne fût point une visite marquée, mais comme de hasard. Ils se rencontrèrent dans un cabinet, où ils demeurèrent. Le roi, qui tenoit un rouleau de papier à la main, le lui donna, et lui dit que c’étoit la carte de ses États. Cette galanterie plut fort au czar, dont la politesse et l’air d’amitié et d’affection furent les mêmes, avec beaucoup de grâce, mais de majesté et d’égalité.

L’après-dînée il alla à Versailles où le maréchal de Tessé le laissa au duc d’Antin, chargé de lui en faire les honneurs.