Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1857, octavo, tome 14.djvu/49

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par les yeux et qui lui mastica la bouche. Aussi ne l’a-t-il jamais pardonné au duc de Brancas qui tous les jours le désoloit et lui en donnoit de nouvelles. Tout cela pourtant ne faisoit pas son affaire : il fallut avouer à son fils et à sa belle-fille, qui le pressoient sans cesse, où il en étoit avec Canillac, et se tourner de quelque autre côté. Ils pensèrent à moi comme à celui qu’ils craignoient davantage et dont ils espéroient davantage aussi s’ils pouvoient me gagner, parce que je ne les tromperois pas, parce que je suivois ce que je voulois bien entreprendre, et par le poids que me donneroit en leur affaire l’éloignement connu où j’étois de l’accroissement du nombre des pairs. Le duc et la duchesse de Villars s’étoient toujours entretenus bien avec la duchesse de Brancas. Celle-ci étoit l’amie la plus intime et de tous les temps de la maréchale de Chamilly, qui, à une vertu peu commune dans tous les temps de sa vie, joignoit toutes les qualités les plus aimables de l’esprit, du cœur et de la plus sûre et agréable société, et qui étoit depuis longtemps amie intime de Mme de Saint-Simon, par conséquent la mienne, et nous voyoit fort souvent ; ce fut la voie qu’ils prirent.

La duchesse de Brancas par la maréchale étoit aussi de nos amies mais non assez pour nous parler ; nous ne connoissions point du tout la belle-fille, au plutôt assez pour n’avoir aucun commerce, et je n’avois jamais parlé au père ni au fils, pour ainsi dire. La maréchale se chargea de nous parler, et le fit efficacement. Je considérai que M. de Brancas n’étoit pas moins duc pour l’être d’une manière bizarre ; que son ancienneté pouvoit embarrasser ; qu’il valoit mieux s’en défaire par de nouvelles lettres, et un nouveau rang de duc et pair qui le remît dans l’ordre naturel et commun, que de laisser subsister des prétentions et une exclusion de toutes cérémonies éternelle. Je consentis donc à y travailler à cette condition, mais de laquelle je voulus me bien assurer par celui qu’elle regardoit. C’étoit le fils, parce que, le père s’étant démis de son duché, il n’étoit plus susceptible