Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1857, octavo, tome 14.djvu/64

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

jamais que l’autorité et la fortune. Le cardinal del Giudice fut la victime de leur ralliement. La première nouvelle qu’il en eut fut par un billet de Grimaldo qui, sous le nom de secrétaire d’État, l’étoit moins que secrétaire d’Albéroni, dont il avoit ordre d’exécuter et d’expédier tous les ordres. Par ce billet, le cardinal eut ordre de se retirer d’auprès du prince des Asturies, auquel sa place de grand inquisiteur ne lui laissoit pas le loisir de donner tous les soins nécessaires. Moins surpris que touché, il répondit avec soumission. Il demanda en même temps la permission d’écrire au pape pour se démettre aussi de sa charge de grand inquisiteur, qu’il obtint aussitôt. Après quoi il offrit de se retirer dans la ville qu’il plairoit au roi de lui prescrire, où il y auroit tribunal d’inquisition, jusqu’à ce que la réponse du pape lui permit de sortir d’Espagne. Au milieu d’une disgrâce si marquée, il n’étoit pas si détaché qu’il ne continuât d’assister au conseil, où il n’a voit plus depuis longtemps que le vain nom de premier ministre. Cela ne dura que quelques jours ; il reçut un nouveau billet de Grimaldo qui, par ordre du roi, lui ordonnoit de s’abstenir de se trouver au conseil. En même temps le duc de Popoli fut nommé gouverneur du prince des Asturies.

Popoli étoit un seigneur napolitain, frère du feu cardinal Cantelmi, archevêque de Naples. J’ai parlé de lui lorsqu’il passa à Versailles, et que le roi lui promit l’ordre du Saint-Esprit qu’il lui envoya depuis, et lorsqu’il fut fait par le roi d’Espagne, à très bon marché, capitaine général et général de l’armée de Catalogne, qu’il laissa au maréchal de Berwick qui fit le siège de Barcelone. Il se déshonora partout sur le courage, sur l’avarice, sur l’honneur, sur tous chapitres, ce qui ne l’empêcha pas d’être grand d’Espagne, chevalier de la Toison, grand maître de l’artillerie, capitaine des gardes du corps de la compagnie italienne, enfin gouverneur du prince, quoiqu’il eût empoisonné sa femme, héritière de la branche aînée de leur maison, dont par là il