Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1857, octavo, tome 14.djvu/89

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avoit pris son parti là-dessus, et n’en pressoit que plus vivement sa promotion pour s’acquérir un état solide, et se maquer après des ennemis de sa fortune.

Aldovrandi, qui des affres des prisons du château Saint-Ange, dont il avoit frisé la corde à Rome, étoit parvenu à faire goûter au pape les raisons de son voyage, et à entrer après dans sa confiance, s’étoit habilement servi de la connoissance qu’il avoit de son esprit, pour le conduire par degrés à la promotion d’Albéroni, et à rendre vaines les machines del Giudice et de ses autres ennemis. Il en obtint l’assurance, mais il manda à Albéroni qu’il n’y devoit pas compter tant qu’il n’y auroit comme alors qu’un seul chapeau vacant ; que l’attente ne seroit pas longue par l’âge et les infirmités de plusieurs cardinaux ; que le pape craignoit trop l’empereur pour lui donner ce sujet de plainte, surtout d’empêcher que le roi d’Espagne ne donnât sa nomination à aucun Espagnol, et ne fit instance au pape de la remplir ; qu’il falloit éviter la promotion des couronnes, et faire qu’il parût que la sienne vint uniquement du pur mouvement du pape, pour cela presser l’arrivée du secours maritime pour le secours des États d’Italie contre les Turcs, et faciliter l’accommodement entre les cours de Rome et de Madrid, enfin garder sur toutes ces choses le plus profond secret. Ce qu’il ne cessoit point de lui répéter, c’étoit de cultiver la bonne intelligence avec Aubenton, estimé au dernier point du pape et des cardinaux Imperiali, Sacripanti, Albani, les trois non nationaux, les plus déclarés contre la France. Il y pouvoit ajouter Fabroni avec qui ce jésuite avoit fait seul la constitution Unigenitus avec l’art, la dextérité, le secret ; et la violence sur le pape et tout Rome qui ont été racontés en leur lieu. Aldovrandi relevoit l’admiration du pape pour la reine, dont il espéroit tout pour le prompt secours maritime, qu’il étoit de la prudence d’Albéroni de maintenir ; le pressoit de faire hiverner la flatte en Italie, et déploroit la situation du pape qui ne lui permettoit pas de