Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1857, octavo, tome 15.djvu/103

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du colonel Stanhope. Bothmar étoit le plus ardent, mais Bernsdorff, plus modéré, concouroit en tout avec lui.

Les flatteurs d’Albéroni le louoient particulièrement de son impénétrable secret, inconnu depuis tant d’années en Espagne ; mais il avoit été trop poussé à l’égard de la France ; elle s’en plaignoit. Enfin, vers la fin d’août, Cellamare reçut ordre du roi d’Espagne de rompre le silence, et de dire au régent que, s’il ne lui avoit pas communiqué plus tôt son projet, il ne le devoit pas attribuer à manque de confiance, mais à égard et à considération, pour ne l’exposer à aucun embarras à l’égard de l’empereur, et ajouta Cellamare de lui-même, à celui de mécontenter le conseil de régence en ne lui en faisant point part, ou en la lui faisant d’en exposer le secret. Il n’oublia rien pour faire goûter ce long mystère ; mais il n’eut pas lieu d’être content de trouver le régent persuadé de l’intérêt de la France à conserver la paix, et que, loin d’entrer dans les vues du roi d’Espagne, il ne devoit rien oublier pour empêcher la moindre altération dans la tranquillité publique. Cellamare attribua cette disposition à des vues futures et personnelles. Cet ambassadeur, qui vouloit faire sa cour, regardoit comme le point capital l’établissement des droits de sa reine sur la succession de Toscane, et comme celle qui devoit être soutenue avec le plus de force, l’épée et la plume à la main. Mais il se plaignoit du peu de prévoyance qu’il trouvoit en France, où le présent seul faisoit impression sur les esprits. En même temps des émissaires de l’empereur tâchoient de lui faire accroire que la France agissoit de concert avec l’Espagne pour le dépouiller de ce qu’il possédoit en Italie, ainsi que le roi de Sicile.

Supposant aussi les mouvements des mécontents de Hongrie comme une branche du projet, ils firent arrêter à Hambourg des officiers attachés à Ragotzi, et prirent des mesures pour le faire enlever ou tuer lui-même, soit qu’il voulût passer en Hongrie, ou joindre les Espagnols en Italie ; et on sut que l’un d’eux devoit recevoir six livres par jour,