Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1857, octavo, tome 15.djvu/115

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

des États qu’il possédoit en Italie, ne voulant d’ailleurs rien faire qui pût troubler la bonne intelligence qu’il avoit, lui Georges, avec le roi d’Espagne, et qu’il prétendoit entretenir fidèlement. Sur ce fondement, l’envoyé d’Angleterre à Madrid demanda l’explication précise des desseins du roi d’Espagne, en sorte que le roi d’Angleterre pût juger certainement du parti qu’il avoit à prendre. Albéroni répondit que l’expédition de Sardaigne n’avoit d’autre motif que la juste vengeance des insultes continuelles et des infractions des traités ; qu’il ne vouloit mettre aucun trouble en Europe ; qu’il étoit particulièrement éloigné de tout ce qui pouvoit altérer le repos et la tranquillité de l’Italie ; qu’il contribueroit de toutes ses forces à maintenir la paix, qui ne pouvoit être solidement établie que par un juste équilibre qu’il étoit impossible de former, tant que la puissance de l’empereur seroit prédominante en Italie. Cet équilibre étoit le bouclier dont il couvroit les entreprises qu’il méditoit.

Comme il croyoit le roi d’Angleterre trop étroitement lié avec l’empereur pour en rien espérer, il se tournoit tout entier vers la Hollande, à qui, par Riperda, il faisoit entrevoir les avantages qu’elle pouvoit attendre d’une amitié et d’une alliance particulière avec l’Espagne, laquelle étoit disposée à faire ce qu’une aussi sage république jugeroit nécessaire pour le repos de l’Europe. En même temps, il essayoit de lui indiquer la route que lui-même y jugeoit la meilleure.

Il avoit enfin confié à Beretti le plan qu’il s’étoit proposé de suivre, qu’il falloit ménager adroitement, sans laisser entendre que ce fût un projet véritablement formé en Espagne, en parler à propos et dans les occasions, ne le pas expliquer d’abord entièrement, mais suivant les conjonctures en découvrir une partie, ensuite une autre, exciter le désir d’en savoir davantage et d’être admis à une plus grande confiance. C’étoit par ces manèges que Beretti devoit marquer les talents qu’il prétendoit avoir pour les négociations.