Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1857, octavo, tome 15.djvu/119

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étoient d’autant plus pressantes, que l’agitation étoit extrême à Rome sur la prochaine paix du Turc, et une guerre imminente en Italie, où l’empereur ne désiroit qu’un prétexte de porter ses armes.

Le duc de Parme, qui comptoit bien être exposé tout le premier à la vengeance de ce prince, imploroit vainement la protection du pape, comme de son seigneur suzerain, pour mettre Parme et Plaisance à couvert à l’ombre d’une garnison des troupes de l’Église, et celle d’Espagne en représentant à Albéroni le triste état de sa situation.

Ce n’étoit plus le temps où ce premier ministre étoit le sien et son sujet en Espagne ; il n’avoit plus besoin de lui pour hâter sa promotion ; elle étoit faite, et désormais il n’avoit plus rien qui le pût détourner de suivre ses vues et son entreprise, ni d’écouter aucune représentation, encore moins les reproches : qu’il ne devoit la pourpre qu’aux promesses d’envoyer la flotte d’Espagne contre les Turcs, [reproches] qui l’irritèrent, et qu’il crut devoir l’affranchir de toute reconnoissance.

Le pape, outré de ne pouvoir rien gagner sur lui, eut la faiblesse de dire au cardinal del Giudice qu’il savoit bien qu’il se damnoit en élevant un tel sujet à la pourpre, mais qu’il s’étoit trouvé engagé si fortement au roi et à la reine d’Espagne qu’il n’y avoit pas eu moyen de les refuser ; sur quoi Giudice lui répondit plaisamment qu’il se feroit toujours honneur de suivre Sa Sainteté partout où elle irait, hors à la maison du diable.

Dans ces détresses, Acquaviva lui dit que l’Espagne borneroit ses conquêtes à la Sardaigne, s’il pouvoit promettre que l’empereur observeroit exactement la neutralité d’Italie, qu’il n’y enverroit point de troupes au delà du nombre stipulé par les traités, qu’il n’y lèveroit point de contributions, qu’enfin il ne mettroit point de garnisons dans les places de Toscane. Le pape fit mine de sacrifier avec peine son ressentiment du manque de parole de l’Espagne au bien