Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1857, octavo, tome 15.djvu/121

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de Parme. Albéroni, qui ne se pouvoit flatter de réussir lui tout seul en Italie par la force, lui faisoit espérer le secours de la négociation.

Le seul allié considérable à envisager étoit le roi de Sicile, intéressé autant que nul autre à borner la puissance de l’empereur ; mais Albéroni ne l’avoit pas ménagé. Del Maro, son ambassadeur, lui avoit déplu par son application à pénétrer ses desseins, et par ses avis réitérés à son maître qu’on en vouloit à la Sicile. Albéroni s’en étoit grièvement offensé. Le roi de Sicile s’étoit tenu dans une grande réserve, et del Maro ne s’étoit pas montré au palais depuis l’expédition de Sardaigne. On ne peut s’empêcher d’admirer jusqu’où les faux raisonnements d’Albéroni l’emportèrent, en s’engageant seul dans une guerre insoutenable, et l’ensorcellement des monarques abandonnés à un premier ministre. Del Maro eut pourtant ordre de voir Albéroni après le débarquement en Sardaigne, de l’assurer des vœux de son maître en faveur de l’Espagne, mais de lui dire que tout étoit à craindre, surtout après les victoires de Hongrie, s’il n’étoit assuré de la France, dont il n’y avoit que le secours qui pût arriver de plain-pied en Italie.

Albéroni répondit que le dessein de l’Espagne n’étoit pas de faire des conquêtes en Italie, mais de réprimer les infractions et les violences des Allemands contre les traités, et de montrer en même temps sa sincérité, en se bornant à la conquête de la Sardaigne ; que l’Espagne ne craignoit ni les desseins ni la puissance de l’empereur ; que, si les princes d’Italie vouloient traiter de concert avec elle, elle y contribueroit de ses soins et de ses forces. Il ajouta des vanteries sur la modération et la puissance de l’Espagne, et ne laissa pas d’appuyer sur le droit des enfants de la reine sur la succession de Toscane. Son prétexte étoit toujours l’équilibre en Italie, et de ne travailler que pour le repos public. Il promit au régent et au roi d’Angleterre, comme il avoit fait au pape, de leur laisser tout l’hiver à travailler à un