Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1857, octavo, tome 15.djvu/137

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Les premiers gentilshommes de la chambre eurent encore une dispute avec les maîtres d’hôtel du roi, à qui l’avertiroit que sa viande étoit servie ; et comme les maîtres d’hôtel sont sous le grand maître, M. le Duc les soutenoit ; car tout étoit en prétention et en entreprises. Au dîner du feu roi, j’ai vu toute ma vie le maître d’hôtel avertir le premier gentilhomme de la chambre, et celui-ci entrer dans le cabinet du roi seul, et l’avertir ; et le soir que le roi étoit chez Mme de Maintenon, le maître d’hôtel avertir le capitaine des gardes qui entroit seul dans la pièce où le roi étoit, et l’avertissoit que son souper étoit servi.

Le maréchal de Villeroy, mal dans ses affaires par une magnificence sans règle ni mesure, avoit obtenu du feu roi cinquante mille livres par an, sur la ville de Lyon, pendant six ans, et une continuation encore pendant autres six années, qui se renouvela de six en six ans. Jamais le feu roi ne pensa à les lui accorder pour toujours, et on ne lui a vu donner de tout son règne cinquante mille livres de rente à personne à prendre sur lui pour toujours, excepté des appointements de gouvernements ou de charges dont le taux y étoit attaché ; et à l’égard des pensions, personne, hors le premier prince du sang et ses bâtardes en les mariant, n’eut jamais de pensions approchantes, sinon, comme on l’a remarqué, Chamillart qui en eut une de soixante mille livres en le renvoyant, ce qui fut une chose unique en tout son règne. C’étoit en cette année et dans ce temps-ci, que les six années du don au maréchal de Villeroy finissoient ; M. le duc d’Orléans le voulut renouveler, même pour toute sa vie. Le maréchal fit le généreux, s’excusa de l’accepter pour toujours, ni même par aucun renouvellement, dit qu’il étoit riche par les successions et les bienfaits qui lui étoient arrivés, et qu’il n’étoit pas juste que, dans un temps où tant de gens souffroient, il abusât des bontés qui lui étoient offertes. Il fut pressé, résista constamment, mais pour s’en vanter publiquement et se parer dans le monde de la faveur de la