Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1857, octavo, tome 15.djvu/164

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Il avertissoit le pape de tenir la balance égale entre le roi d’Espagne et l’empereur, de l’indignité de se rendre l’esclave des Allemands, en consentant de retirer qui leur déplairoit des emplois, et Acquaviva fut chargé de déclarer de la part du roi et de la reine d’Espagne que si les mauvais offices qu’à l’instigation de Gallas Albane rendoit continuellement à Aldovrandi faisoient rappeler ce nonce, on n’en recevroit point d’autre en sa place, et que la nonciature demeureroit fermée pendant tout ce pontificat, aussi bien qu’une bonne partie de la daterie.

Albéroni en effet ne pouvoit avoir un nonce plus à sa main, ni plus souple à ses volontés qu’Aldovrandi. Celui-ci étoit persuadé de la nécessité de l’union des deux cours ; qu’elle ne pouvoit subsister qu’autant qu’il se rendroit agréable à celle où il étoit envoyé. C’est ce qui l’avoit rendu si docile à remettre les brefs d’indults avant l’accommodement, et à ne les point retirer contre les ordres positifs du pape. Le désir de profiter de sa nonciature le fit insister auprès du pape à ne plus parler de ces deux griefs. Les brefs en dépôt entre les mains d’Albéroni et du confesseur y étoient en sûreté ; on n’en pouvoit de plus faire usage que de l’autorité de la nonciature, par conséquent sans la permission du pape ; et de plus le roi s’en pouvoit passer, en demandant à son clergé le même don gratuit, qui aimeroit mieux se faire un mérite de l’accorder que d’y être forcé par les bulles.

Ce nonce tâchoit de persuader au pape que la conquête de la Sardaigne pouvoit devenir un moyen de paix par les offices commencés de la France et de l’Angleterre. Il reconnoissoit que le roi de Sicile y pouvoit contribuer ; mais il ne jugeoit pas qu’on pût se fier à un prince aussi capable que lui de faire les mêmes manèges à Vienne et à Madrid.

L’abbé del Maro y paraissoit, depuis quelque temps, plus souvent à la cour, et Albéroni moins aigre à son égard.