Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1857, octavo, tome 15.djvu/17

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écrire en latin et à composer des homélies et des brefs. Il y perdoit beaucoup de temps. Il étoit sans cesse tiraillé dans son intérieur domestique. Son incertitude, ses variations, sa faiblesse avoit ôté toute confiance en ses paroles. Des cardinaux hardis, comme Fabroni et d’autres, hasardoient sous son nom quelquefois ce qu’il leur plaisoit, et ne le lui disoient que quand les choses étoient faites. Il étoit désolé, mais il n’osoit les défaire. Les larmes, dont il avoit une source et une facilité abondante, étoient sa ressource dans tous ses embarras ; mais elles ne l’en tiroient pas. Au fond, un très bon homme et honnête homme, doux, droit et pieux, s’il fût resté particulier sans affaires.

Effrayé au dernier point de la dernière partie du discours d’Acquaviva, il s’écria qu’il falloit bien se garder de prendre une voie si dangereuse ; qu’il alloit dépêcher de vives plaintes à Vienne ; qu’il ne perdroit point de vue cette affaire, qu’il avoit si bien regardée comme la sienne, avant qu’Acquaviva lui en eût parlé, qu’il lui montrât la réponse qu’il faisoit à l’archevêque de Milan qui lui avoit écrit qu’il avoit inutilement demandé au gouverneur général du Milanois de remettre Molinez à sa garde (car il faut remarquer que l’immunité ecclésiastique se mêle de tout et entre dans tout). Mais au fond, la détention de Molinez occupoit peu ceux qui devoient y être les plus sensibles. La promotion d’Albéroni étoit l’affaire unique que le pape vouloit éluder, malgré tant de paroles positives, et malgré le départ tant désiré de l’escadre espagnole. Il craignoit de déplaire à l’empereur, de révolter Rome et le sacré collège ; il cherchoit des délais, malgré la dernière lettre du roi d’Espagne et la garantie du duc de Parme. Il vouloit que les différends avec l’Espagne fussent accommodés à son gré auparavant.

Albéroni ne se découragea point, et comme le pape se défendoit sur l’équivalent du chapeau d’Albéroni, que les couronnes pourroient lui demander, si un motif public comme l’accommodement à son gré n’en étoit une raison à