Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1857, octavo, tome 15.djvu/172

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À l’égard de la Suède, il n’y avoit que le désespoir de la pouvoir rétablir, aussi démontré qu’il l’étoit alors, qui pût faire cesser les efforts de la France en faveur d’un ancien allié, dont la descente en Allemagne avoit été la première borne de l’énorme vol que la puissance de la maison d’Autriche avoit pris en Europe, et que les possessions demeurées en Allemagne à la Suède avoient sans cesse empêchées de reprendre. Le rétablissement de cette couronne devoit donc être infiniment cher à la France, si, dans la ruine des malheurs de Charles XII, elle avoit pu la procurer. À ce défaut, l’intérêt de la France, qui l’empêchoit de se commettre seule avec toutes les puissances conjurées contre la Suède, étoit de procurer avec adresse et sagesse une paix qui sauvât à la Suède tout ce qu’il seroit possible de ses débris pour la laisser respirer, et en situation d’oser songer à se rétablir un jour dans l’état d’où elle étoit déchue. C’est ce qui ne se pouvoit espérer qu’en travaillant à des paix particulières qui rompissent la ligue qui l’accabloit, qui en missent, s’il étoit possible, les membres aux mains les uns contre les autres, qui intéressassent contre les opiniâtres ceux qui auroient fait leur paix particulière, à soutenir la Suède contre eux, et par ce moyen lui sauver enfin des provinces en Allemagne qui lui laissassent un pied dans l’empire, une voix dans les diètes, et les occasions d’y contracter des alliances et d’y figurer encore, de cheminer vers son rétablissement, et d’y balancer à la fin la puissance de la maison d’Autriche, et la grandeur naissante de la maison de Hanovre.

Ainsi le comte de La Marck et Rottembourg servoient très utilement l’état de travailler à séparer et à brouiller cette ligue du nord, si utile aux vues et à la puissance de l’empereur et de la maison de Hanovre, qui étoit si occupée de se conserver ses usurpations de Brême et de Verden sur la Suède ; et ces ministres ne pouvoient mieux s’y prendre qu’en procurant à la Suède des paix particulières. Châteauneuf aussi avoit grande raison d’empêcher, tant qu’il pouvoit,